Aram
Nombre de messages : 172 Date d'inscription : 06/04/2007
| Sujet: Abderrahmane Mira - Le tigre de la Soummam (1ère partie) Sam 8 Nov - 18:33 | |
| Un article publié par El-Watan d'aujourd'hui, sous la signature de Tarik Mira, fils de l'ancien commandant de la Wilaya III mort au champ d'honneur en 1959, retrace l'itinéraire de son père, Abderrahmane Mira. Instructif à plus d'un titre pour qui cherche à comprendre le cheminement de la guerre de libération de l'Algérie, le voici, dans son intégralité.
*************************************************************** Abderrahmane Mira - Le tigre de la Soummam (1ère partie) Le rendez vous du mois de novembre avec Tarik Miraenvoyé par tezdeg Né en 1922, à Bounda par les vicissitudes de l’histoire alors que ses parents sont originaires de Taghalat (Aït Mellikèche), l’itinéraire de Abderrahmane Mira se confond avec toute une génération de patriotes algériens frappée par l’exclusion économique, la détresse sociale, la négation identitaire et l’ostracisme politique. Issu d’une famille paysanne pauvre et très tôt orphelin de père, Abderrahmane Mira aura à tracer une trajectoire sociale à l’image de la majorité du peuple algérien, faite de désœuvrement, de petits boulots et, enfin, l’appel à chercher pitance en dehors de la Kabylie. A l’âge de neuf ans, il rejoint son frère Amar(1) à Annaba. Il fait le va-et-vient entre cette ville et le douar des Aït Mellikèche pendant quelques années. Après son service national passé à El Asnam, à la veille de la Seconde Guerre mondiale, il se rend pour la première fois en France à cette époque. Il s’installe d’abord à Nancy comme ouvrier métallurgiste, puis dans la région parisienne au début des années 50, précisément à Pantin et à Aubervilliers. Les évènements du 8 mai 1945 le surprirent en Algérie. Il en sera profondément affecté et bouleversé. Combiné au constat du décalage social et économique entre la colonie et la métropole, cette tragédie décidera Abderrahmane Mira à adhérer au PPA (Parti du peuple algérien). Le futur commandant en chef de la Wilaya III fait partie de cette nouvelle génération du PPA, qui en viendra à faire de la lutte armée un principe absolu. Il se situe au centre de cette mutation qui amènera à maturation l’insurrection du 1er novembre 1954. En septembre 1954, alors qu’il se trouvait à Tazmalt, il participe à une manifestation locale pour exiger la libération de deux militants du MTLD (Mouvement pour le triomphe des libertés démocratiques : nouvelle appellation du PPA), en l’occurrence Lakhdar Hadouche et Ali Benyahia, arbitrairement arrêtés. Il est alors victime d’un abus de pouvoir caractérisé de la part du caïd, Benhadad Mehdi, qui lui fait retirer sa carte d’identité. Il entre en clandestinité et établit rapidement le contact, dès novembre 1954, avec Krim Belkacem, à Alger, grâce à l’entremise d’un militant originaire de Tazmalt. Il sera épaulé à cette époque par Hamou Ghezali. Le premier chef de la wilaya III le charge, dès lors, d’organiser pour le compte de l’ALN/FLN les maquis dans les vallées du Sahel et de la Soummam. Il lui demande d’entrer en contact avec le commandant Chikhi Amar (adjoint de Krim, tué au combat juste avant la tenue du congrès de la Soummam), le colonel Ali Mellah, dit Si Cherif (mort au combat début 1957, à la tête de la Wilaya VI), qui tentaient de faire franchir à la nouvelle organisation le versant sud du Djurdjura. En avril 1955, cette région reçoit en renfort une recrue de choix : Aït Hammouda Amirouche, un ancien de l’OS (Organisation spéciale). Abderrahmane Mira et Amirouche, qui se sont connus en France comme militants du PPA/MTLD, se retrouveront, à la mi-avril, au village d’Ivedjiouène, aux Aït Mellikèche, dans la maison de Meziane Mouhend Ouslimane, ancien responsable de l’OS à Tazmalt. Le soir même de leur rencontre, ils feront appel à un vieux militant des Bibans, précisément d’Aït Rzine, Akloul Ali. De cette rencontre naîtra une symbiose qui fera définitivement basculer les deux vallées en faveur de l’ALN/FLN. Abderrahmane Mira est chargé du commandement de la future Zone II de la Wilaya III, qui va de Sidi Aïch à Bouira. Et, à ce titre, il aura la lourde tâche, sous les ordres du colonel Sadek (de son vrai nom Dehilès Slimane), d’affronter, à Haïzer, les troupes messalistes qu’il déloge de cet endroit. Il les poursuivra jusqu’à la wilaya VI. Dans son livre témoignage Au PC de la wilaya III, Salah Mekacher en fera référence en lui rendant hommage. Cette confrontation fut d’autant plus difficile que l’aura de Messali Hadj restait intacte et que la rupture n’était pas connue du grand public de façon explicite. De novembre 1954 jusqu’au Congrès de la Soummam, les faits d’armes plaident en faveur de Abderrahmane Mira. Sa combativité est reconnue. Le 16 mars 1956, à la tête d’un détachement de 350 djounoud, il est l’artisan, près de Bou Saâda, de la première liaison entre les troupes des Zones III, IV et V, dénommées wilaya après le congrès d’août 1956. Il est décoré de « la médaille de la résistance », la première attribuée sur le champ de bataille, pour cette action qui vient couronner une suite de succès militaro-politique en faveur de l’ALN/FLN. Gradé capitaine, il assure la sécurité du Congrès de la Soummam qui se déroule, à Ifri (Ouzlaguène), dans sa zone de commandement. Lors de ses premières assises, qui ont doté la nouvelle organisation d’une structure politico-administrative, l’hégémonie de la wilaya III est incontestable sur le cours de la révolution. Il a été décidé, entre autres, de déléguer Amirouche, alors commandant, en compagnie de Zirout Youcef (chef de la wilaya II), de rétablir l’ordre dans la wilaya I (Aurès). Et, dans la foulée, de dépêcher Abderrahmane Mira dans la wilaya VI (Sahara) afin de remplacer Mellah Ali et son adjoint Djouadi Abderrahmane, tous les deux assassinés dans des circonstances tragiques par les adversaires de l’ALN/FLN. C’est là qu’il est élevé au grade de commandant, début 1957, et fait son entrée au CNRA (Conseil national de la révolution algérienne) comme représentant de la wilaya saharienne. Dans la wilaya VI, il endure les pires difficultés puisqu’il a affaire à deux adversaires : l’armée française et les colonnes de l’armée du MNA (Mouvement national algérien), commandé par le général Belounis (ancien et chevronné militant du PPA) qui, en certaines circonstances, collaborent directement. Sur les 116 hommes qu’il a emmenés avec lui de la wilaya III, très peu y survivront. Lorsque l’affaire Melouza se déroula en mai 1957, il est déjà de retour en Kabylie, rappelé par le colonel Mohammedi Saïd, dit Si Nacer (deuxième chef de la wilaya III). Gravement blessé en juillet 1957, à Ighil Oumssed, où il perd ses deux secrétaires (Mouloud Ouyahia et Salah Hamimi), il est appelé par Krim Belkacem à le rejoindre en Tunisie où le CCE (Comité de coordination et d’exécution) s’est déjà installé. Si Nacer l’a déjà précédé. Dans la wilaya III, l’intérim est assuré pendant trois mois par Saïd Yazourène Saïd, dit Vrirouche, avant qu’Amirouche, élevé au grade de colonel au début de 1958, ne prenne les commandes. En Tunisie, où il assiste à la proclamation du GPRA, il est nommé contrôleur aux frontières dès son arrivée en octobre 1958. Les conditions de cet exil forcé ne lui conviennent pas. Il demande à rentrer dans la wilaya III, où Amirouche n’a plus de commandants pour le seconder. A cette époque, seul le futur colonel Mouhend Oulhadj assurait la fonction d’adjoint au grade de commandant (début 1959). Les retours conjoints et programmés des commandants Mira et Yazourène, à partir de Tunisie, permettraient à la wilaya III de compléter son commandement. Les statuts du congrès de la Soummam stipulent qu’un chef de wilaya est secondé de trois commandants. Tombé malade en cours de route, Saïd Yazourène rebrousse chemin. Abderrahmane Mira arrive au PC de la wilaya III vers la mi-mars, alors qu’Amirouche était déjà en partance pour la Tunisie. Pour arriver en Kabylie, Mira et sa compagnie — la dernière à rentrer dans Wilaya III — contourne la ligne Morice par Negrine, sud de la Tunisie, franchit la wilaya I (Aurès), où Hadj Lakhdar lui offre un poste émetteur, et rentre par le Hodna. Tous les combattants ayant effectué ce périple — si rare dans le sens Tunisie /Algérie — ont été décorés d’une médaille. Elle est spécialement dédiée au franchissement des frontières pour rentrer en Algérie. Dès son arrivée, alors que Mouhend Oulhadj assurait l’intérim, Amirouche apprend la nouvelle. Il était sans doute à la lisière sud de la Kabylie, à H’mam Fraksa, où il avait tenu une réunion avec le commandement local. Il envoie deux lettres : l’une destinée au conseil de la wilaya III ; l’autre, à Abderrahmane Mira. Datée du 21 mars 1959(2), cette missive stipule, entre autres, la désignation de Mira comme intérimaire. Constatant que la wilaya est renforcée par deux commandants ne sachant pas que Si Saïd n’est pas arrivé à bon port, Amirouche écrit brièvement ceci : « C’est le commandant Si Abderrahmane qui prendra le commandement. » Par Tarik Mira, fils de Abderrahmane, député RCD de Béjaïa. (article publié par El-Watan le 8 novembre 2008 - pages 22 et 23) | |
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