Il faut croire que plus rien n'intéresse les spécialistes algériens de la santé publique, pour les empêcher d'aller offrir leurs services outre-Méditerranée. Implicitement, c'est ce que le ministre de la Santé a voulu laisser entendre en affirmant que, sur 12 cardiologues formés à Alger, 10 ont abandonné injustement leur poste.
Malgré les mesures soi-disant incitatives prises en faveur du personnel qualifié de ce secteur, les hôpitaux, dans les profondeurs du pays, enregistrent toujours un manque important de médecins spécialistes. Du coup, les grands malades continuent d'être transférés dans les grands centres urbains et tout particulièrement à Alger.
Aussi, le ministre Barkat déplore-t-il que les contribuables supportent la charge de formations aussi pointues allant directement profiter à d'autres pays, et ce sans bourse délier.
Malheureusement, cette analyse, aussi juste soit-elle, se veut plutôt courte. Elle perd totalement de vue les motifs justifiant en profondeur la désaffection de plus en plus ahurissante des gens tout aussi hautement diplômés que de tous les autres, y compris la grosse masse d'analphabètes. Car, il ne peut être que compréhensible de voir un cardiologue, un chirurgien ou un ingénieur se tourner vers d'autres horizons pour vendre leurs services. Là, sans faute, des Etats, des organismes ou des entreprises sauront vraiment reconnaître leurs mérites et les paieront en conséquence. Par contre, l'explication est bien moins aisée pour de simples travailleurs prenant le risque non seulement d'être refoulés aux frontières européennes mais de perdre avant la vie à la seule traversée de la Méditerranée. Autant dire que par-delà la meilleure rémunération et le cadre de vie nettement différent qu'attendent les candidats les plus divers à l'émigration, d'autres considérations ont pesé très lourd sur leur décision.
En vérité, les hommes politiques aux commandes feignent surtout d'ignorer que le peuple en a quasiment assez de vivre sous la même étreinte, le même désordre, la même gabegie depuis l'indépendance. Il en a assez de souffrir pour l'éternité des gens aussi incultes qu'irresponsables et parfois même criminels qui le dirigent. Ils font presque mine d'oublier qu'en près d'un demi-siècle d'indépendance, l'Algérie traîne aux derniers rangs des pays arriérés de la planète.