Le Sida fait de plus en plus de ravages en Ukraine

Dans une longue émission consacrée au développement du Sida en Ukraine et en Chine, Arte a fait, hier soir, un constat des plus alarmants.

Dans ce nouvel Etat d'Ukraine, libéré il y a 17 ans de l'ancien empire soviétique, la maladie a en effet trouvé un terreau propice à son expansion ; elle menace désormais le devenir même du pays. Ce dernier compte aujourd'hui entre 250 et 300 000 cas de séropositifs, un chiffre considérable appelé encore à croître dans des dimensions préoccupantes, puisque l'on prévoit, si rien n'est fait entretemps pour enrayer la maladie en profondeur, quelques 800 000 séropositifs en 2014.

A l'origine de ce fléau, la toxicomanie, second vecteur après les rapports sexuels transmettant le virus, ronge aujourd'hui environ 500 000 jeunes. Livrés à eux-mêmes, sans travail et donc sans horizon, les jeunes désoeuvrés, garçons et filles confondus, s'injectent sans grande précaution des narcotiques plus ou moins dangereux qu'ils préparent eux-mêmes parfois. Ils se prostituent aussi à grande échelle et souvent sans la moindre protection contre l'infection du virus. Ils s'adonnent enfin à la délinquance qui les conduit inévitablement en prison, où ils sont là encore le plus exposés aux risques multiples de développer le Sida mais aussi d'autres maladies. La turberculose, tout particulièrement, qui a été quasiment enrayée dans le pays, renaît désormais de ses cendres. Elle investit aussi bien le monde carcéral que les couches les plus pauvres, donc les plus fragiles, de la population.

L'incapacité de l'Etat à offrir des conditions de soins à la hauteur de ce fléau, combinée à la déliquescence de l'administration que la corruption favorise à travers l'ensemble de ses rouages, fait qu'aucun effort sérieux n'est engagé pour lutter efficacement contre la maladie. Pire, les rares soins médicaux mis à la disposition d'une très faible proportion de malades proviennent de l'aide momentanée de la banque mondiale. Or, les sidéens séropositifs ont besoin impérativement de traitements à vie qui ne doivent en aucun cas être interrompus sous peine d'entraîner la mort. De plus, à cause de la transmission impossible à juguler du virus au conjoint et aux enfants, un vrai combat contre la maladie suppose une action forte et permanente qui ne doit cesser qu'avec son contrôle total. L'Ukraine, qui compte en moins 5 millions d'habitants depuis l'indépendance pour diverses causes, risque fort, selon les prévisions de spécialistes, de perdre jusqu'à un tiers de sa population d'ici 2050, si l'extension du sida n'est pas rapidement stoppée.

En Chine, le fléau atteint 10 millions de séropositifs, principalement des enfants. A l'origine, le virus a été transmis essentiellement à travers les seringues abondamment réemployées à l'occasion des dons de sang. Les Chinois ont en effet pris beaucoup de temps à s'apercevoir que la seringue constitue le moyen le plus dangereux encore pour inoculer le virus à des personnes saines. Faute de soins à temps, d'innombrables victimes ont perdu la vie, non sans avoir auparavant infecté le conjoint et les enfants. Et aujourd'hui des millions d'enfants orphelins et malades, vivant quasiment comme des parias, sont trop souvent abandonnés à eux-mêmes, quand leurs grands parents ne peuvent les prendre en charge.

Dans cet ordre d'idées, le journal El-Watan de ce matin fait à son tour un constat accablant du développement du Sida en Algérie, et notamment à Annaba. Dans cette ville, le taux des femmes séropositives et enceintes est, dit-il, de 0,53 %, soit un taux suffisamment révélateur de la progression dangereuse de la maladie. « Nous allons vers une épidémie généralisée incontrôlable, (et) des moyens colossaux doivent être mis en œuvre en toute urgence pour contrecarrer ce phénomène ; il faut savoir que lorsque le taux de séropositivité au sein de la population générale est inférieur à 1 %, l’épidémie est concentrée, supérieur ou égal à 1 %, l’épidémie est généralisée », a déclaré, selon le journal, un membre de l'Association Anis engagée dans la lutte contre le Sida.

« Les estimations à Annaba sont alarmantes quand on sait que 1 000 à 2 000 personnes sont porteuses du VIH sans le savoir. C’est au bout de 7 à 10 ans, quand elles auront développé la maladie, qu’elles le sauront. Il faut savoir que du premier jour de contamination à 10 ans plus tard, c’est la période asymptomatique (aucun signe de la maladie). Au bout de la 10e année, commencent alors à se manifester certains cancers (lymphome) et les infections opportunistes, qui sont graves, peu sensibles aux traitements, invalidantes et répétitives », observe le professeur Laouar, spécialiste des maladies infectieuses.

Cependant, c'est la ville de Tamanrasset qui reste toujours en tête du peloton avec son taux le plus élevé de personnes contaminées par le virus. Dans cette localité, située à la frontière du Niger, vivent provisoirement, il est vrai, diverses communautés de l'Afrique subsaharienne. Celles-ci, en transitant par cette bourgade pour aller rejoindre l'Europe, apportent avec elles le virus qu'elles transmettent bien souvent sans même savoir qu'elles le portent.