Rumsfeld accusé d’être un menteur

Le magazine The New Yorker vient de publier, sous la plume de Seymour Hersch, le compte rendu des entretiens que celui-ci a eus avec le général Antonio Taguba, chargé d’enquêter sur les débordements qui ont été révélés par les détenus d’Abu Ghraïb.

Mettant en cause directement l’ancien ministre de la Défense et ami de Bush, Donald Rumsfeld, Taguba a déclaré, à propos des dénégations derrière lesquelles Rumsfeld s’était abrité, lors de son témoignage devant le Congrés : "Il cherche à s’acquitter, lui et beaucoup de ses proches qui mentent, le tout pour se protéger".

Il a estimé, par ailleurs, qu’on l’avait volontairement, et par ostracisme, dessaisi du dossier : "On m’a empêché de poursuivre pour de plus amples recherches sur les sphères supérieures de la hiérarchie", après l’avoir, dans un premier temps, confiné dans des recherches ciblant les seuls soldats, dont les photographies ont fait le tour du monde, et qui les montrent avec les prisonniers nus, empilés les uns sur les autres sur le carrelage de la prison ou contraints de parader devant des gardiennes américaines.

Convaincu que les auteurs de ces débordements ont agi sur ordre, Taguba, qui a été placé en retraite anticipée à la suite de ses déclarations, ne se doutait pas du prix à payer pour ses révélations, considérant que les questions morales ont davantage de valeur : "Je sais que mes pairs de l’armée seront furieux que je parle, mais le fait est que nous avons violé les lois de la guerre à Abu Ghraïb. Nous avons violé la Convention de Genève. Nous avons violé nos propres principes et nous avons violé le cœur de nos valeurs militaires. Le stress au combat ne constitue pas une excuse, et je pense, aujourd’hui encore, que les chefs militaires et civils responsables doivent répondre de leurs actes."

Il est vrai que le juge fédéral, en rejetant, en mars dernier, la plainte présentée par neuf plaignants, déclarant avoir été arrêtés à tort, détenus et torturés par l’armée américaine, donnait ainsi la preuve flagrante que des complicités de haut rang sont à dénombrer dans ces débordements aussi ignobles qu’ils ternissent à jamais la soi-disant grande et valeureuse armée des Etats-Unis d’Amérique.