Demain, à Tizi Ouzou, s'ouvrira en principe le procès des assassins de Matoub Lounès, le chantre qui a tant fait vibrer à l'unisson le coeur de ses compatriotes kabyles. Mais deux seulement des neuf prévenus seront présentés à la barre. Et cela pourrait suffire pour créer une atmosphère délétère.
Aussi, pour assurer la sécurité des audiences, mille policiers supplémentaires auraient été dépêchés sur les lieux, pour prévenir et réprimer d’éventuels débordements. La mémoire de Matoub cristallise en effet l’expression pleine et entière du mouvement berbère et de ses revendications.
La rage avec laquelle il a été mis fin à ses jours est suffisamment révélatrice de la haine qu’il suscitait de son vivant. Les 78 balles recensées sur sa dépouille mortelle en apportent la démonstration flagrante. Sachant, de plus, que l'homme avait déjà échappé de justesse à la mort, près d'une décennie plus tôt, quand un gendarme, dans l'exercice de ses fonctions, l'avait criblé de balles quasiment à bout portant, les Kabyles continuent non sans raison de clamer qu’il a été froidement exécuté par les services officiels et non par les terroristes islamistes. Pour preuve, ces derniers, qui l’avaient un moment enlevé, n’avaient pas osé le toucher et moins encore le tuer, avant de le libérer sain et sauf.
Aussi, ce procès rouvre-t-il sans nul doute une cicatrice à peine refermée, d'autant que, par ailleurs, les parents d'une centaine de jeunes Kabyles impunément assassinés par les forces de l'ordre, lors des manifestations de juin 2001, attendent toujours et vainement que justice soit rendue.
Enfin, à ce procès de Matoub, où des personnalités éminentes, comme Saïd Sadi, Nouredine Aït-Hamouda et Amara Benyounès sont citées comme témoins, il n’est pas impossible qu’une simple étincelle provoquée même par mégarde vienne remettre le feu aux poudres.