Les relations américano-pakistanaises se détériorent en surface

A cause d'un missile américain, tiré par la coalition installée en Afghanistan, qui a causé la mort de 11 soldats pakistanais avant-hier, l'armée d'Islamabad vient de publier un communiqué suffisamment significatif de la rancoeur créée par l'énorme bavure. Elle se dit avoir "condamné cet acte totalement délibéré et lâche (des forces de la coalition déployées en Afghanistan) qui heurte les fondements de la coopération et les sacrifices consentis par les soldats pakistanais dans leur soutien à la guerre antiterroriste", avant d'ajouter : "Nous nous réservons le droit de protéger nos citoyens et nos soldats contre toute agression."

De son côté, le Premier ministre pakistanais, Youssouf Raza Jilani, n'a pas été moins tendre, en déclarant : "sévèrement condamner l'agression" et en promettant de "préserver la souveraineté et la dignité du Pakistan", comme le rapportent diverses agences.

Il semble que les deux parties se rejettent mutuellement l'incident. Les forces de la coalition affirment avoir réagi à une attaque d'insurgés au niveau d'un poste frontalier érigé entre le Pakistan et l'Afghanistan. Elles évoquent la légitime défense et assurent avoir tiré à l'intérieur de l'Afghanistan et non au dehors. Pour les Pakistanais, les forces afghanes redoutant d'être submergées par les Talibans, qui venaient de les attaquer, ont appelé à la rescousse l'aviation de la coalition, laquelle a aussitôt bombardé les lieux sans discernement.

Entre la coalition et le Pakistan, les relations ont accusé, il est vrai, un sérieux fléchissement ces derniers temps. Cela explique, selon les observateurs, le manque d'intérêt qu'éprouve Islamabad à contrôler certaines zones frontalières laissées à la merci des Talibans.

Pour la troisième ou quatrième fois consécutive, un missile lancé d'Afghanistan par les troupes américaines a touché des habitations civiles de l'autre côté de la frontière pakistanaise. 12 morts ont été dénombrés, parmi les civils, à la suite de cette attaque aveugle de la matinée.

Le veuf de Bhutto, Zardari, président fraîchement élu d'Islamabad, semble totalement déstabilisé par ces actes meurtriers délibérément perpétrés par l'armée américaine, avec l'aval de Washington. Malgré les protestations indignées qu'il avait formulées auparavant, les bombardements n'ont pas cessé, causant chaque fois de nombreuses victimes parmi les civils pakistanais.

En fait, Bush, en opérant aussi effrontément au mépris du droit international, ne réussira qu'à liguer l'ensemble du peuple pakistanais contre lui et sa clique, multipliant ainsi les chances des Talibans de retrouver la force de nuisance qui était la leur avant l'effondrement de leur pouvoir à Kaboul.

Plus tristement encore est d'observer, au plan international, le silence qui accompagne ces agressions criminelles. Aucune voix ne s'élève, pas même au Conseil de sécurité, censé veiller pourtant sur la paix dans le monde, pour tenter de mettre le holà à des actes aussi stupides que méprisables, qui ne glorifient ni ne grandissent les envahisseurs américains.

Pour rappel, le gouvernement français, lors de la guerre d'Algérie, avait donné lieu à de sérieuses protestations mondiales, après sa tentative de poursuivre sur le sol tunisien les rebelles algériens qui opéraient à partir des frontières tunisiennes. La comparaison n'est, bien sûr, pas évidente aujourd'hui que la superpuissance mondiale s'octroie le pouvoir exorbitant de jouer au gendarme de l'univers.

Deux nouveaux missiles propulsés d'Afghanistan sur un village de la frontière pakistanaise ont causé aujourd'hui la mort de 28 personnes au moins, au sein de la population. Le premier missile a atteint une camionnette et le second une maison.

Les autorités américaines, qui croient avoir ainsi attaqué des Talibans et des terroristes d'Al-Qaïda, ont revendiqué ces frappes, où des Arabes ont été tués. Elles ajoutent qu'elles visaient principalement un terroriste, Al-Iraqi, chargé spécialement des finances de l'organisation de Benladen.

Ce sont les 17è et 18è missiles qui se sont abattus en territoire pakistanais, avec les conséquences évidentes que l'on sait, la tuerie peut-être de terroristes mais d'innocents aussi, sûrement.

Il y a seulement deux jours depuis que l'ambassadeur américain à Islamabad a été convoqué pour recevoir les protestations pakistanaises de ces tueries aveugles. Mais, apparemment, le gouvernement pakistanais qui compose ouvertement avec la coalition installée à Kaboul ne semble pas trop gêné par de telles atteintes à sa souveraineté. Il ne faudrait donc pas s'étonner, demain, si de nouveaux soulèvements populaires venaient à agiter le Pakistan, au prétexte que, comme les prédécesseurs, ses nouveaux dirigeants sont également inféodés à Washington.