Le Sénat vient d'adopter le projet de loi réservant en faveur des fils de harkis 10 000 emplois de la fonction publique, et ce, sans condition d'âge.
Si ce texte, sous réserve bien sûr qu'il soit entériné le 14 mai prochain par l'Assemblée nationale - et il le sera assurément, l'UMP contrôlant une large majorité de cette dernière -, s'inscrit dans le droit fil d'une promesse électorale tenue par Sarkozy pendant sa dernière campagne, il soulève, cependant, quelques observations qui ne manqueront pas de se faire jour, principalement au niveau des associations dont la raison d'être est de combattre toute forme de discrimination.
En ouvrant cette première brèche conforme à l'esprit de la discrimination positive qui lui est si chère, le président français risque en fait de briser la cohésion qui a jusqu'ici fait la force de la société française. Certes, par ce geste solennel et inédit, Sarkozy marque ainsi, à un aussi haut niveau, la reconnaissance de l'Etat pour les prétendus mérites de ceux qui ont tourné leur fusil contre leurs propres frères au nom de la défense des intérêts coloniaux, cela va sans dire. Et aucune objection ne serait attendue comme de juste - l'antécédent des droits reconnus aux anciens combattants des précédentes guerres étant une réalité concrète -, si l'offre faite aujourd'hui s'adressait aux harkis eux-mêmes et non à leur progéniture.
En favorisant plutôt cette dernière, née le plus souvent en France et ne connaissant de l'Algérie et de sa lutte pour l'indépendance que les vagues souvenirs empruntés à leurs parents, Sarkozy ne répare en vérité rien des torts causés aux harkis eux-mêmes. Ce sont bien ces derniers, relégués au rang bien inférieur à celui des intouchables indiens, qui ont été parqués, sous bonne garde, deux décennies durant, dans des espèces de zoos semblables à ceux habituellement réservés aux animaux sauvages. Ceux-là, oui, voudraient sans doute plus d'argent qu'ils n'en ont reçu du temps où ils exécutaient pour de simples bouchées de pain les basses oeuvres de l'armée française, exécutant froidement leurs propres compatriotes à tour de bras. Car, enfin, si de Gaulle et ses successeurs ont tour à tour préféré les assujettir à ces conditions sans doute dégradantes mais bien méritées, on ne peut éluder d'une simple chiquenaude l'opinion qui était la leur sur le sens bien bafoué du devoir, de l'honneur et de la morale pour tout dire qui a toujours caractérisé les harkis.
Libre donc à Sarkozy, au nom de ses propres valeurs ou objectifs plus ou moins avoués de reconsidérer à sa guise l'opinion de ses illustres prédécesseurs ! Libre à lui de décerner même les plus hautes médailles honorifiques de son choix à cette engeance que le crime seul a illustrée ! Mais il ne parviendra jamais à obtenir le pardon qu'ils attendent tant de leurs frères de sang, y compris au sein de l'immigration, qui les vomissent et les exècrent comme la peste.