Sans doute parce qu'elle est une femme, d'abord ; qu'elle a fait sa remarque comme ministre, ensuite ; qu'elle a visé, enfin, la défense des intérêts premiers du pays, en limitant sa remarque aux effets sur les seuls touristes étrangers que les appels assourdissants du muezzin continuent à Rabat, comme à Tunis ou à Alger, d'agacer chaque matin, Nouzha Skalli, ministre marocaine du Développement social fait l'objet, depuis plusieurs semaines déjà, de violentes railleries et diatribes de la part des islamistes de son pays.
L'on sait la place réservée dans le monde musulman à la femme, que l'on charge de tous les péchés, de toutes les tares et surtout de l'incapacité de prendre les rênes en toute circonstance. Aux yeux de la gent masculine, elle est restée et restera toujours une race inférieure - c'est le Coran qui le dit - qu'il faut toujours couvrir de mépris. Pour preuve, trois témoignages équivalent à celui d'un homme, est-il indiqué dans les textes dits sacrés.
Enfin, ne pouvant frontalement soutenir que les appels matinaux des muezzins importunent la société tout entière, y compris les enfants, les bébés, les malades, les vieillards qui, à l'aube, n'ont pas à être réveillés sous un délirant concert de décibels, la ministre avait cru bon d'attirer l'attention sur le côté dérangeant imposé aux seuls touristes étrangers, de confession généralement autre que musulmane.
Il n'en fallait pas davantage pour la combler alors de quolibets plus ou moins acides ou même haineux, voire d'insultes aussi basses qu'inacceptables.
Les prêcheurs y sont allés, chacun de sa manière, pour vilipender la malheureuse femme, la traitant tantôt de communiste, tantôt d'adversaire de l'islam et même d'héroïne de la défense des droits de la femme du Danemark, un pays qui s'est singularisé par les fameuses caricatures publiées sur Mohamed.
Pourtant, la pauvre femme a eu beau se défendre de n'entretenir la moindre velléité de demander l'interdiction des appels sonores à la prière d'elfijr (du matin), ses adversaires restent unanimement rivés sur leurs positions extrémistes et rétrogrades. D'ailleurs, l'eût-elle voulue pareille interdiction qu'il ne se serait trouvé la moindre voix pour la soutenir, le roi du Maroc se réclamant lui-même de cette espèce de dynastie mahométane plutôt singulière qui prétend s'imposer au Maroc au double plan temporel et spirituel.
C'est pourquoi faut-il se résoudre à ne jamais considérer le dialogue avec les islamistes comme possible et surtout constructif. Toujours figés dans les mêmes attitudes hostiles au débat, ils ont surtout peur, en réalité, d'avoir à remettre en cause leurs propres convictions.