Alitalia menacée de faillite

Alitalia, la compagnie aérienne italienne est en passe de déposer son bilan. Les négociations entreprises, au cours des semaines précédentes, par Air-France/Klm avec pour objet de racheter cette entreprise nationale, semblent avoir échoué définitivement. Les syndicats italiens exigeaient des repreneurs franco-néerlandais qu'ils conservent la totalité des activités de leur compagnie, d'un côté, et, de l'autre, qu'ils introduisent comme associé une entreprise publique italienne.

Maurizio Pratto, le PDG d'Alitalia, qui souhaitait le succès de ce rachat, a démissionné. Et la faillite n'est désormais pas loin pour une compagnie dont la trésorerie est réduite à sa plus simple expression, avec le lot de licenciements qu'une telle situation doit nécessairement entraîner.

L'on fustige volontiers aujourd'hui, en Italie même, les responsables politiques et syndicaux, rendus responsables de cette impasse qui, c'est à craindre, ne manquera pas d'affecter les élections législatives des 13 et 14 avril.

Certes, Berlusconi, le favori de ces élections, qui s'était lui-même opposé au rachat d'Alitalia par le groupe franco-néerlandais, a bien promis de trouver une solution à ce problème, mais, apparemment, les investisseurs contactés sont loin de répondre aux attentes.

La situation de cette compagnie aérienne reste extrêmement préoccupante, depuis la suspension et non la rupture définitive des négociations, lundi dernier, entre Air-France/KLM et les syndicats de la compagnie.

Un conseil d'administration, tenu hier, confirme qu'Alitalia ne peut poursuivre ses activités que durant un délai très court, ne dépassant pas celui de l'installation du prochain gouvernement, prévu d'ici la mi-mai ; à fin mars dernier, elle ne disposait, en effet, que de 170 millions d'euros. Il se félicite, en revanche, que le groupe de repreneurs franco-néerlandais ait formulé son intention de se réunir une nouvelle fois avec les mêmes syndicats, dans la journée de demain.

Le groupe Air-France/KLM estime être seul capable de relancer la compagnie italienne. Il est vrai aussi que les promesses de Berlusconi de trouver d'autres repreneurs se sont révélées creuses jusqu'ici.

Le gouvernement sortant de Romano Prodi se propose, de son côté, de revoir ces syndicats pour faire le point avec eux de la situation, avant les élections législatives des 13 et 14 avril prochain.

Sylvio Berlusconi, qui a désormais la charge de conduire le gouvernement italien, a dévoilé enfin, hier, une partie de son jeu, à propos de la reprise d'Alitalia, au sujet de laquelle il prétendait, avant les dernières élections, qu'il trouverait une solution bien italienne au problème de la compagnie nationale.

Il a rencontré le président Poutine pour lui demander de faire jouer un rôle à Aeroflot, la compagnie nationale russe, dans le sauvetage d'Alitalia, annonce une dépêche d'AP reprise par le journal français La Tribune.

Sans révéler les conclusions de leur entretien, Berlusconi s'est satisfait d'une déclaration de Poutine affirmant que le conseil d'administration d'Aeroflot est disposé à reprendre les pourparlers. Autrement dit, des négociations avaient déjà rapproché les deux sociétés, sans parvenir à un résultat concret.

Il reste à savoir, maintenant, quelle sera la réaction des syndicats de l'entreprise italienne devant cette révélation qui bat en brèche leur espoir d'intégrer le groupe Air France/KLM.

L'une des dernières décisions pouvant encore être prises par le gouvernement de Romano Prodi, aura été, dans l'affaire d'Alitalia, celle d'accorder un prêt, dès hier soir, de 300 millions d'euros à la compagnie menacée de faillite. Il s'agit là d'un prêt dit relais remboursable avant la fin de l'exercice en cours.

"Silvio Berlusconi m'a demandé un prêt plus substantiel que celui que nous avions prévu, afin d'avoir plus de temps pour résoudre l'affaire Alitalia. Nous avons agi avec responsabilité", a tenu à préciser M. Prodi lors d'une conférence de presse donnée à l'issue du conseil des ministres.

En prenant cette décision, le gouvernement partant de Romano Prodi est néanmoins conscient des rappels à l'ordre que ne manquera pas, du côté de Bruxelles, de susciter cette aide irrégulière de l'Etat italien venant se rajouter à d'autres au profit de la même entreprise, où l'Etat détient 49 % du capital.

Il faut rappeler que les négociations engagées avec le groupe franco-néerlandais, Air-France/KLM, ont été définitivement rompues lundi soir et qu'il ne reste plus qu'un seul espoir de sauver la compagnie aérienne Alitalia, celui d'intéresser Aéroflot à son sort.

Selon le magazine L'Expansion, Air-France/KLM est prête à prendre une participation minoritaire dans le capital de la nouvelle compagnie italienne, aux côtés des investisseurs démarchés par la banque Intesa Sao-Paulo.

Pour rappel, Air-France détient jusqu'ici quelques 2 % du capital d'Alitalia et s'était proposée de la racheter au printemps dernier, avant d'y renoncer avec l'arrivée de Berlusconi aux commandes de l'Etat italien et les obstacles dressés par le syndicat maison.

Le gouvernement de Berlusconi a d'ailleurs modifié aujourd'hui même les dispositions de la loi concernant les faillites pour permettre le sauvetage de la compagnie aérienne nationale. Celle-ci compte renouver avec les bénéfices dès 2011 et les 16 nouveaux actionnaires ne peuvent s'en désengager avant 2013.

Alitalia est loin de sortir du gouffre. Le dernier espoir de son sauvetage tient à un fil bien ténu. Le collectif des entrepreneurs italiens qui se disaient prêts à lui apporter un milliard d'euros sur la table donne, non sans raison, des signes de réticence compréhensibles, désormais.

Les obstacles sont nombreux qui s'opposent à la relance de cette compagnie publique. Il faut dire que les neuf syndicats représentant le personnel ne se montrent guère disposés, de leur côté, à consentir les sacrifices nécessaires pour rendre crédible le retour sur scène de leur entreprise. Ils refusent tout net une quelconque diminution de leurs salaires et de leurs congés. Les fonds manquent, au point où le commissaire désigné à sa tête par le gouvernement menace de bloquer les vols dès lundi, faute d'argent pour payer le carburant. Il brandit la menace aussi de procéder, dès lundi, au licenciement du personnel affecté sur les 34 appareils non utilisés. Bref, la situation est devenue aujourd'hui encore plus incertaine qu'elle ne l'était il y a à peine quelques semaines.

L'on se demande, à présent, qu'en est-il réellement des promesses lancées en l'air par Berlusconi, avant son retour au pouvoir. Lui, qui promettait tant de trouver des repreneurs nationaux, n'a-t-il pas berné finalement tout le monde, en faisant notamment échouer le plan de rachat offert par Air-France/KLM ?