Le FFS dans l'oeil du cyclone

Lassé par cette espèce d’indifférence, voire d’abandon dans laquelle se place le parti d’Aït-Ahmed, depuis déjà de longs mois, voire de longues années, Mustapha Bouhadef vient de rendre publique, par un communiqué repris notamment par Le Soir d’Algérie, sa démission du FFS.

"Aujourd’hui, dans les conditions actuelles où les idéaux du FFS sont ignorés, ses repères démocratiques et éthiques piétinés, l’honneur et la dignité des militants bafoués… ", écrit-il, pour exprimer son ras-le-bol d’une situation qui, il est vrai, justifie les plus graves inquiétude quant au devenir de ce mouvement.

Mustapha ajoute plus loin : "L’absence d’activité politique sur le terrain, le non-respect des textes fondamentaux du parti et la gestion autoritaire de l’actuelle direction n’offre aucun espace de débat ni de recours au sein du FFS… Ceci a entraîné deux choses : d’une part, peu de militants ont renouvelé leur carte, non convaincus de l’efficacité de la direction à mener un combat digne de ceux qu’a menés le FFS ; d’autre part, des cadres et militants du parti sont venus poser pacifiquement ces problèmes au siège national en août puis en décembre 2006. Ces cadres et militants ont été illégalement radiés par la direction nationale qui, statutairement, ne peut prendre à leur encontre que des mesures conservatoires en attendant que se prononcent les structures chargées du règlement des conflits."

Tout est dit, ici, qui met en exergue la nature autoritaire de la direction du FFS, dont le caractère bicéphale (un président installé quasiment dès l'origine à Lausanne et un exécutif à Alger ne communiquant entre eux que par fax) n’est pas de nature à rassurer les militants. Du coup, des péroraisons du premier, le second tente, à son corps défendant, de tirer sa propre lecture, bien souvent en marge des attentes du militant de base.

Un tel climat, trop malsain hélas, a donné naissance à ce que Bouhadef souligne : "de dérive en dérive, le FFS actuel a perdu ses repères que sont les idéaux et fondements du parti. C’est pour éviter d’arriver à ces situations de blocage que j’ai démissionné du poste de premier secrétaire national que m’avait confié le président du parti en juin 2004 ".

On voit bien, enfin, à la lecture de la seule dernière ligne, que la soumission aveugle à son insupportable autoritarisme instituée comme règle intangible démontre, chez Aït-Ahmed, un comportement exécrable de vrai potentat qui finit, à la longue, par faire le vide autour de lui.

A la suite de la démission de Bouhadef, annoncée dans le prolongement de la crise née des échauffourées ayant mis aux prises, en décembre dernier, des militants de base, venus d’Alger et de l’intérieur du pays, à leurs camarades du siège central, une réunion des cadres du FFS est prévue pour demain, à Zéralda, à l’effet, suppute-t-on, d’examiner la situation interne du parti.

Les militants exclus, à la suite des incidents de décembre, comptent, de leur côté, saisir cette occasion pour exprimer leur rejet des sanctions qui les frappent par un sit-in qu’ils observeront en silence dans les abords de la salle de réunion.

Les représentants des fédérations n’ayant pas été eux-mêmes choisis démocratiquement, semble-t-il, il est à redouter que la chaleur naturelle de ce début de saison ne se combine aux tensions pouvant naître de cette sélection, que d'aucuns remettent d'ores et déjà en question, pour émailler la rencontre prévue d’incidents peu souhaitables.

C’est en tout cas le premier aspect négatif que craignent divers militants du FFS, par-delà les désaccords profonds qui sont rendus publics entre la direction et la base, depuis les derniers remaniements.

Les dernières frictions, qui ont secoué, de l’intérieur même, l’exécutif du FFS, semblent déboucher sur une espèce de pourrissement qui risque, s’il venait à se confirmer et perdurer, de conduire vers l’éclatement de ce parti qui, à dire vrai, commence à s’en aller en eau de boudin.

Favorisé, faut-il le souligner, par les retombées d'une direction bicéphale devenue insupportable et qui, à la longue, finit inéluctablement par démobiliser les militants les plus convaincus, le risque d’éclatement mis en l’air ces derniers jours par une frange dite de dissidents résulte à n’en pas douter, au sein des structures du parti, d’un manque flagrant à la fois de communication et de démocratie la plus élémentaire.

Faute de communication, d’un côté, entre la base militante et l’équipe dirigeante, naissent nécessairement à bon droit des interrogations inquiétantes voire des suspicions déplorables qui sapent la sincère adhésion du militant à tous les niveaux, quand elles ne suscitent pas sa désaffection tout simplement.

De l’autre, l’absence réelle de démocratie, à l’origine de laquelle des responsables - aux mérites plus ou moins discutables, selon les dires des militants eux-mêmes -, sont parachutés ici ou là sur des considérations trop souvent subjectives, favorise intensément le clanisme, ouvre la voie aux intrus, masque les véritables compétences, bat en brèche le capital de confiance pouvant être investi dans des militants loyaux.

Aussi, ces derniers se considèrent-ils aujourd’hui minés par cette obéissance aveugle qu'ils doivent à un mentor dont rien ne justifie plus longtemps l’expatriation si éloignée, d’une part, et dont les décisions, prises sans consultation de la base et surtout hors de la réalité du terrain, prêtent souvent à équivoque, d’autre part. La part active prise notamment à Saint-Egidéo reste indubitablement, il est vrai, la tache noire et indélébile étant à l'origine de la défection regrettable de quelques valeureux militants de haut rang, partis offrir leurs services aux partis concurrents.

Faire mine sinon de se soumettre à une direction locale, toujours aussi instable qu’incohérente bien souvent, désignée autoritairement par Aït-Ahmed sur la foi d’indications inévitablement subjectives, n’assure pas, enfin, le militant sincère qu’il garde toujours le cap sur la bonne direction.

Le congrès du FFS, qui vient de s'achever sans grand éclat, a finalement "accouché d'une souris". Aux lieu et place d'une révision complète et profonde de sa perception politique des problèmes qui traversent la société algérienne, et moins encore d'une refonte complète de sa propre organisation interne, laquelle a montré ces derniers temps des signes d'essoufflement, de chienlit et surtout d'archaïsme peu en rapport avec les attentes des militants, il a abouti à un statut quo qui n'augure en vérité rien de bon pour l'avenir du parti. En d'autres termes, tout le tapage fait autour de ces assises n'aura eu pour objet que de revendiquer pleinement la trajectoire poursuivie, que de renouveler avec solennité la confiance du zaïm en l'équipe qu'il avait lui-même nommée à l'exécutif du parti.

Certes, le président de ce dernier, qui s'est déplacé spécialement de Lausanne pour conduire les travaux, n'a pas eu tort de laisser entendre que les structures, à l'échelon notamment le plus élevé, doivent rester ouvertes pour permettre l'émergence de nouvelles têtes à la direction. Cependant, Aït-Ahmed, en se faisant plébisciter pour la quatrième fois à la tête du FFS, à un âge aussi avancé que le sien, se met lui-même en porte-à-faux avec ses propres recommandations. Sa mission, aujourd'hui, si tant est qu'il peut encore apporter quelque obole à la formation politique ou à l'information de la jeunesse algérienne, peut au mieux être remplie dans l'écriture de ses mémoires et au pire dans une retraite paisible qui ferait au moins oublier les monumentales erreurs ou bévues qui ont tout particulièrement marqué la vacuité saisissante de son bruyant mais maigre itinéraire politique. Quand on atteint, en vérité, son stade de sénilité, ni le parti ni le pays ne peuvent tirer quelque profit de son maintien en activité, dût-il disposer durablement, au plan physique et intellectuel, mais pour combien de temps encore ? de ses capacités pleines et entières de direction de son mouvement politique. Ce dernier est trop animé d'une bien grande ambition pour ne plus se contenter, de façon aussi autoritaire que surannée, d'être perpétuellement dirigé à distance, par fax, et trop loin des réalités immédiates du pays.

Pour preuve, le maintien de Tabou, dans son rôle de second, constitue déjà, à n'en pas douter, une nouvelle bourde qui prouve, si besoin est, que le zaïm a totalement disjoncté. Telles qu'étalées sur la place publique les dissensions internes au parti sont devenues trop pesantes pour que l'on feigne d'ignorer l'imposante nécessité de résoudre en profondeur et sans tarder les graves problèmes posés, loin de toutes solutions simplistes de replâtrage et moins encore d'expédients ne pouvant rétablir la confiance des militants.