Depuis quasiment l’apparition des scanners et des imprimantes couleur, les faussaires, en Algérie, se sont multipliés à une vitesse vertigineuse, donnant aux tribunaux, avec une régularité de métronome, leurs fournées de prévenus poursuivis principalement pour les uns d’avoir mis en circulation de faux billets de monnaie, et pour les autres des papiers d’état-civil, des passeports et autres documents administratifs, monnayables bien sûr.
A cause d’une loi obsolète et insuffisamment dissuasive, les faussaires s’en tirent généralement avec quelques légères peines de prison et se retrouvent libres ensuite de reprendre leurs infractions délictuelles ou criminelles, quitte au besoin à innover en la matière, leur goût du travail étant définitivement perdu par la facilité que procure le gain rapide et sans peine de l’impression d’un faux billet de banque, par exemple.
Passe encore que des malfrats issus de milieux prédisposés à la délinquance cèdent à la tentation de courir après cet argent facile, dont ils n’ont aucune idée des conséquences négatives induites au plan de l’économie nationale ! Passe encore que des délinquants en herbe poussés par la faim et la misère se découvrent des talents de faussaires pour tenter à leur tour de se faire quelque argent facile, sans le moindrement se préoccuper des suites pénales encourues ! Mais que des enfants de familles aisées, et il s’en trouve souvent au nombre des faussaires arrêtés, s'abandonnent à ce genre de faiblesse les confondant avec des trafiquants quasiment « professionnels », reste un acte d'une extrême gravité tout autant attentatoire à l'ordre public et à la morale que doublement impardonnable. D'une part, en effet, ces enfants-là portent lourdement atteinte à l’honneur de leur famille qui, elle, a souvent trimé et donné le meilleur d’elle-même pour se hisser à sa nouvelle position sociale. D'autre part, les ressources dont disposent généralement ces enfants suffisent amplement à les détourner de toute espèce d'égarement pouvant les conduire au jeu dangereux du faussaire. Il devient donc évident que c'est eux qui doivent être les plus sévèrement châtiés pour prévenir précisément d’autres récidives dans ce milieu-là.
Paradoxalement, ils profitent toujours en premier, et dans une large proportion, de la clémence de la justice (par le truchement, bien sûr, de la corruption directe des magistrats) pour échapper à ses griffes, sinon pour atténuer les sanctions encourues ou abréger les peines prononcées contre eux. La morale de la fable de la Fontaine s’applique bien évidemment ici : « Selon que vous êtres riche ou misérable, les jugements de Cour vous rendront blanc ou noir ».
Aussi, faut-il que le législateur corrige diligemment cette lacune grave dans le code pénal qui, contre les faussaires tout particulièrement, devrait tendre à assortir les peines de quelques quinze ou vingt ans de travaux forcés, comme c’est couramment le cas dans la plupart des pays du monde.