Le chômage sévit dangereusement en Algérie

Des chiffres fantaisistes ayant trait au chômage ont été publiés ce matin par la presse, sans susciter pourtant le moindre commentaire quant à leur véracité.

Pour ne prendre qu'El-Watan qui, juste à côte de cette annonce, consacre plus d'une page et demie aux harraga, autrement dit les émigrés clandestins qui, à la recherche d'un emploi, osent traverser la Méditerranée au péril de leur vie, on y lit simplement les chiffres bruts en titre et dans le chapeau, tels qu'ils sont rendus publics par le commissaire à la planification et à la prospective.

C'est bien le diable que l'on ose annoncer sans sourciller un chiffre de 1,24 million de chômeurs seulement sur une population active de 10, 15 millions. Pourtant, il suffit de jeter un coup d'oeil dans les rues des grandes cités ou les venelles des villages pour être frappé par l'immense détresse qui gagne partout les jeunes et les moins jeunes ne trouvant ni travail, ni stage, ni même d'emploi précaire. Ils sont là, par groupuscules de 3, 4, 5 ou même plus à se dandiner le long de la journée sur les trottoirs sans le moindre espoir de pouvoir se rendre utile. Pour preuve, d'ailleurs, le nombre de harragas n'a jamais atteint des proportions aussi dantesques comme en 2007 où l'on a vu, pour leur malheur, se resserrer partout la surveillance des frontières européennes, se multiplier les expulsions depuis ces dernières, se renforcer les mesures d'humiliation, se soulever des populations entières pour protester contre ce qu'elles appellent "l'invasion des affamés" .

Au demeurant, si les pouvoirs publics ont fini eux-mêmes par céder sous la pression exercée par des dizaines de milliers de jeunes investissant la rue avec leur camelote de bazar, c'est bien parce que l'Etat, malgré son pétrole et sa prétendue richesse, n'est plus en mesure d'assurer un emploi décent à ces millions de jeunes désoeuvrés formés parfois à grands frais à l'école publique.

Pendant que certains se battent pour gagner leur pain à la sueur de leur front ou, plus gravement encore, prennent d'énormes risques d'emprunter des canots et au mieux des chaloupes de fortune pour traverser la Méditerranée, d'autres, sans foi ni loi, exploitent la crédulité de candidats à l'émigration mieux nantis pour se permettre de leur refiler de faux visas contre des centaines ou des milliers d'euros.

De temps à autre, des affaires mettant en cause certains de ces derniers, pris la main dans le sac avec ces faux papiers, sont traitées en justice, sur la demande bien souvent des ambassades et des consulats qui ont vite fait de découvrir le pot aux roses.

El Watan d'aujourd'hui relate l'une d'elles où le prévenu a payé la coquette somme encore peu importante de 500 euros à un trafiquant en échange d'un faux sésame.

Et pendant que lui règle ses comptes avec la justice, le trafiquant court toujours... C'est bien là tout le drame de la jeunesse algérienne !

Même le FMI ne prend pas au sérieux les statistiques relatives à l'inflation en Algérie, telles que rendues publiques par son Office national des statistiques.

Et pour cause, les hausses enregistrées sur les céréales, les légumes secs, le café, l'huile de table, les légumes frais, les matériaux de construction comme le fer et le rond à béton ont été tellement sensibles que les gens ont cru immédiatement à une nouvelle forme déguisée de dévaluation du dinar.

Le gouvernement, en recourant de surcroît à des expédients plutôt simplistes, consistant à subventionner les produits de première nécessité, retombe de toute évidence dans la spirale qui avait conduit le régime de Chadli à la faillite totale. Car, ce type de solution dite de replâtrage conduit inévitablement à une surconsommation des ménages qui se traduira fatalement par une dévaluation drastique de la monnaie, à l'exemple de celle vécue au milieu des années quatre-vingt-dix.

La solution, en vérité, ne réside que dans la couverture par la production locale de tous les besoins alimentaires du pays. Toute autre alternative signe inéluctablement son échec et précipite l'appauvrissement plus profond encore des populations, au premier signe de la chute des prix du pétrole.

Un correctif sur le chômage vient d'être apporté aux chiffres déjà publiés. Une dépêche de l'AFP reprise par Tout sur l'Algérie en donne le détail comme suit :

Le taux de chômage a augmenté à 13,8% en 2007
Par AFP le 10/02/2008 à 19:51

Le taux de chômage en Algérie a atteint 13,8% de la population active en 2007, contre 12,3 % en 2006, soit 1,37 million de personnes au chômage pour une population active de près de 9 millions, a indiqué dimanche l'Office national des statistiques (ONS). L'Algérie a ainsi enregistré quelque 110.000 chômeurs en plus en 2007, selon une enquête nationale sur l'emploi réalisée par l'ONS.

L'enquête de l'ONS a été réalisée durant la période de novembre à décembre 2007, avec comme période de référence la dernière semaine d'octobre 2007, sur un échantillon de 14.866 ménages ordinaires répartis sur tout le territoire national, a précisé cet organisme.

Comment expliquer au gouvernement d'Alger, qui fanfaronne sur de soi-disant résultats positifs atteints au terme de deux mandats de Bouteflika, qu'il est de sa responsabilité pleine et entière de s'occuper des jeunes et des moins jeunes exposés à un chômage devenu endémique dans le pays ?

Quand on apprend, comme ce matin, que 86 émigrants clandestins, bravant la menace d'emprisonnement pesant sur eux, ont été interceptés, hier, au large d'Annaba, n'a-t-on pas la preuve flagrante que tous les discours tenus jusqu'ici en matière d'emploi s'apparentent à des mensonges ou des promesses jetées en l'air, donnant ainsi la mesure de l'incapacité du régime en place à diriger le pays ? Il est vraiment temps qu'il s'en aille et cède la place à n'importe quel autre, l'essentiel étant qu'on en finisse avec la corruption, l'incompétence et la gabegie qui gangrènent tout le pays.

C'étaient tous des jeunes de 18 à 30 ans, dont une femme, ces haragas se trouvant à bord d'embarcations de fortune, et naviguant au péril de leur vie au gré des vents et du courant.

Ne sont-ils pas des être humains doués de raison, que la société a le devoir de prendre en charge, de protéger et de reconnaître pour siens au lieu de les laisser exposer leur vie sur les flots de la Méditerranée ? Quel est ce père ou cette mère dépourvu de coeur pour laisser son fils courir des risques aussi insensés qu'inutiles puisque, au bout de leur course, ces garçons devront se retrouver dans les geôles spécialement préparées pour les accueiller et subiront les pires souffrances avant d'être renvoyés vers leur pays et ses propres prisons ?

Non ! Nous avons tous le devoir de réagir au plus vite pour que cesse cette émigration clandestine indigne d'un pays pétroler qui plus est a combattu non sans fierté pour sa liberté et son émancipation.

Le combat est à mener sur place pour dévérouiller de leurs postes ces politiques pansus, corrompus et irresponsables.

Dix-sept des 86 haragas interceptés jeudi au large d'Annaba ont réussi, dans la nuit, à prendre la poudre d'escampette, juste après leur enfermement dans les locaux du groupement territorial des garde-côtes. Ils ont gravi le mur de clôture et disparu dans les rues d'Annaba. Six autres ont certes tenté de les suivre mais ils ont été rapidement chopés et placés en lieu sûr.

Les 86 émigrés clandestins étaient éparpillés sur cinq canots de fortune avant d'être capturés en haute mer par les marins algériens.

Les Italiens annoncent, de leur côté, avoir, d'une part, arrêté en mer, mercredi, quelques quatre cents immigrants clandestins algériens qui se préparaient à accoster sur les rivages de leur pays ; et, d'autre part, recueilli une dizaine d'autres toujours algériens, à l'état de cadavres, dont l'embarcation avait chaviré.

Au lieu de rechercher des solutions humainement acceptables et suceptibles d'intéresser les jeunes à s'investir dans des activités lucratives et, à défaut, de leur apporter la formation nécessaire pour leur ouvrir la voie sur d'autres horizons, inversement, le gouvernement algérien vient d'adopter un bien scélérat projet de loi punissant les émigrés clandestins à une peine de 6 mois de prison et les passeurs à une peine beaucoup plus lourde puisqu'elle peut atteindre dix ans.

Le projet ne sera rendu applicable, bien sûr, qu'après avoir été entériné par le parlement dans les prochaines semaines.

En Algérie, où le chômage gagne de plus en plus de terrain, faute d'une véritable politique réfléchie et suffisamment dynamique pour mobiliser principalement les potentialités propres du pays, les jean-foutre placés à sa tête se déchargent de leurs devoirs en allant chercher de soi-disant investisseurs au fin fond de la péninsule arabique pour les prier de s'installer dans le pays.

Ils feignent surtout d'ignorer que ces rapaces, qui exploitent la sueur de dizaines de milliers de migrants asiatiques, ne viendront en Algérie que s'ils y trouvent leur intérêt, et pas n'importe lequel. Les scandales dévoilés ces derniers jours montrent que ces vautours, appâtés par des terrains publics cédés pour une bouchée de pain, sont là pour se sucrer sur le dos du peuple, et ne se gêneront pas de repartir vers d'autres lieux, une fois enrichis comme Crésus.

De là à s'inquiéter vraiment du sort des centaines de milliers de jeunes arrivant sur le marché du travail, ce n'est donc pas dans les projections des gouvernants.