Le Point - 08/04/2015
De notre correspondant à Madrid, François Musseau
Il y a ce prétendu curé allemand. Sexagénaire, en provenance de Saint-Domingue, il assure débarquer en Espagne pour "connaître diverses congrégations ecclésiastiques" ; fins limiers, les policiers ont l'intuition que la soutane est fausse et lui demandent d'ouvrir sa mallette dans laquelle, à côté d'une grosse bible, sont serrés cinq paquets... contenant de la cocaïne. De même, ces deux prétendus étudiants colombiens, cravatés, en uniforme universitaire ; eux prétextent un cours à Madrid, mais, lorsqu'on leur demande de baisser leurs pantalons, apparaissent des bandelettes cachant de la "blanche" contre leurs jambes. C'est au tour d'un orchestre vénézuélien, supposément spécialisé dans les boléros, rien à signaler à première vue, mais la radiographie laisse apparaître que chaque musicien a avalé des boulettes de cocaïne...
On pourrait citer à l'envi les exemples de passeurs qui, avant d'arriver à l'aéroport madrilène de Barajas, recourent à mille stratagèmes pour acheminer de la drogue dans la capitale espagnole. Une unité spécialisée de la police se concentre chaque jour sur une grosse trentaine de vols, le plus souvent en provenance d'Amérique latine, le continent "à risque" par excellence pour ce genre de négoce. Les policiers doivent rivaliser d'imagination, car, d'année en année, les techniques de dissimulation se font plus sophistiquées. Malgré tout, récemment renforcée, "l'unité de stupéfiants" obtient de bons résultats : elle a saisi plus d'une tonne de cocaïne en 2014 - soit une hausse de 12 % par rapport à l'année précédente.
Prothèses mammaires !
L'Espagne est l'une des principales portes d'entrée en Europe de la "blanche" et tout est bon pour l'acheminer. Comme ce Français de 60 ans, accompagné de son "épouse", en fauteuil roulant, venant du Pérou où ils auraient monté un restaurant ; en réalité, ce faux couple venait de se rencontrer peu avant de monter dans l'avion, et le fauteuil roulant servait à camoufler un total de sept kilos de poudre. Selon un des responsables de l'unité de stupéfiants de Barajas, la plupart des passeurs sont des gens désespérés, des mères célibataires dans le besoin, des retraités sans le sou, ou d'anciens détenus européens qui financent de cette manière leur vol de retour.
Les limiers espagnols ont pu retrouver de la cocaïne dans les endroits les plus inattendus : boîtes de conserve, couvertures de livres pour enfants, sachets de friandises, nécessaires de produits cosmétiques, chargeurs de téléphone, prothèses mammaires, extensions de cheveux... Et parfois même sous forme d'une poudre quasi invisible disséminée sur les vêtements. À quoi ressembleront les prochaines ruses ?
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