Le Figaro.fr - 12.04.2012
par Alexandre Lévy
Après la mort à Sofia d'un professeur à la retraite déchiqueté par une meute, l'indignation est à son comble.
À Sofia, dans une main la laisse enserrant le cou de Laura, un jeune cocker à la robe abricot, dans l'autre un bâton de hockey : « J'ai peut-être l'air ridicule, mais ainsi je crains un peu moins leurs assauts », explique Ivan Draganov, un ingénieur à la retraite du quartier d'Iztok, à Sofia.
Cet arrondissement plutôt chic n'échappe pas à ce fléau de la capitale bulgare: les chiens errants. « Ils sont la cause de mes pires cauchemars », souffle Svetlana, mère de deux enfants en bas âge. Tous les ans, la presse rapporte des cas d'attaques - certaines aux conséquences dramatiques pour les victimes. « C'est, de loin, notre plus gros problème », reconnaît la maire de Sofia, Iordanka Fandakova (Gerb, le parti au pouvoir).
Jadis considérée comme un « luxe inutile » par le régime communiste, la possession d'un animal domestique est désormais chose courante en Bulgarie. Tout comme son abandon: livrés à eux-mêmes, ces chiens des rues se sont multipliés, atteignant à Sofia les 10.000 individus.
Début avril, l'affaire a pris une tournure beaucoup plus politique avec la mort d'un retraité, Botio Tatchkov, 87 ans, littéralement « déchiqueté par une meute », selon les témoins. Le profil de la victime - professeur à la retraite revenu au pays après une brillante carrière aux États-Unis - tout comme la violence de l'attaque ont profondément secoué une opinion publique déjà passablement énervée par l'inaction des autorités.
Écoéquillibre, l'entreprise publique choisie par la mairie pour prendre en charge ces chiens, cristallise les critiques. Avec un budget annuel qui tourne autour de 1 million de lévas (la moitié en euros), Écoéquillibre dit dépenser quelques 300 lévas par chien « traité » (stérilisé et vermifugé), soit une somme supérieure au smic local. La fourrière ne disposant que d'un nombre limité de places, ces chiens sont dans leur immense majorité remis en liberté et, selon les défenseurs des animaux, ils ne sont pas pour autant castrés.
« Des mesures radicales »
Un audit d'Écoéquilibre effectué en mai 2011 a, effectivement, révélé une comptabilité pour le moins approximative et plusieurs schémas de détournement de fonds. Son patron, Petar Petrov, doit répondre devant la justice de « corruption ». Depuis, l'entreprise a changé plusieurs fois de direction sans pour autant que la situation sur le terrain change: les promesses de réduire à quelques centaines le nombre de ces chiens sont restées des vœux pieux, voire un motif de plaisanterie pour les Sofiotes.
Aujourd'hui, Iordanka Fandakova, qui vient de nommer un ancien militaire à la tête d'Écoéquillibre, assure que l'entreprise a été assainie. Il vaut mieux, car elle aura du pain sur la planche: le ministre de l'Agriculture, Miroslav Naïdenov, lui-même un ancien directeur d'Écoéquillibre, a annoncé des « mesures radicales », dont la construction de centres de regroupement géants et l'euthanasie des canidés agressifs. Le 9 avril, une cinquantaine d'ONG bulgares et européennes ont demandé sa démission, l'accusant d'avoir choisi des méthodes populistes et non effectives pour lutter contre la prolifération des chiens errants. Le ministre a répondu qu'elles feraient mieux de s'excuser auprès des familles de leurs victimes.
(http://www.lefigaro.fr/international/2012/04/12/01003-20120412ARTFIG00539-la-capitale-bulgare-livree-a-dix-mille-chiens-errants.php)