Une curieuse affaire de transfert illégal de devises, traitée par la justice de Constantine, soulève de sérieuses questions quant au fond. Voyons d'abord les faits :
En juillet dernier, un conducteur d'une voiture Daewoo se fait épingler, au sortir vraisemblablement du territoire, côté Est, par la gendarmerie. Celle-ci le fouille et découvre sur lui la coquette somme d'un million d'euros, qu'il s'apprêtait sans doute à placer dans les banques tunisiennes.
L'interrogatoire du passeur, c'est du moins ce qu'il a laissé entendre, révèle que la somme appartenait à sept commerçants activant à El-Eulma, pour cinq d'entre eux, et à Sétif, pour les deux autres.
Présentés ensuite devant le juge, le trafiquant et ses co-prévenus bénéficieraient d'un non-lieu le mois suivant, un verdict qui coûterait sa radiation au juge. Il est clair que ce dernier avait eu sans doute partie liée dans le dossier.
Reprise en main, ce dernier est aujourd'hui encore pendant devant la justice.
Mais c'est le fond de l'affaire elle-même qui pose une foultitude de problèmes.
D'abord, un million d'euros est une somme très importante, équivalente à cent millions de dinars ou dix milliards de centimes. Ensuite, El-Eulma est connu pour être un lieu d'échanges de marchandises d'importations très importants. La collecte d'une somme aussi considérable sur les lieux laisse supposer que ces échanges s'opèrent en monnaie étrangère, donc illégalement. Par conséquent :
1°) Quel rôle jouent les services fiscaux et douaniers locaux pour permettre l'existence en toute impunité de ces échanges illicites ?
2°) Que font les services de police - pourtant toujours prompts à dénicher les fraudeurs et autres contrebandiers dans les derniers recoins du pays -, pour arrêter ce trafic ruineux pour le pays ?
3°) Si complicité il y a du côté tunisien pour permettre un blanchiment d'argent provenant de ce type de trafic, que fait la représentation diplomatique algérienne en Tunisie ?
4°) Vu l'importance de la somme saisie, n'en est-on pas plutôt au énième passage de devises par la frontière est et peut-être aussi ouest et sud ?
La réponse à autant de questions reste en vérité à rechercher dans la gabegie du pouvoir en place, la corruption généralisée et scandaleuse qui sape les fondements mêmes de l'Etat, l'incapacité et l'incompétence des dirigeants à mener le pays à bon port.