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 En 1957, un article du « Monde » sur la guerre d'Algérie inspire une pièce de théâtre « Le Monde » et moi

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Jean-Marc

Jean-Marc


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Date d'inscription : 13/07/2007

En 1957, un article du « Monde » sur la guerre d'Algérie inspire une pièce de théâtre « Le Monde » et moi Empty
MessageSujet: En 1957, un article du « Monde » sur la guerre d'Algérie inspire une pièce de théâtre « Le Monde » et moi   En 1957, un article du « Monde » sur la guerre d'Algérie inspire une pièce de théâtre « Le Monde » et moi EmptyDim 29 Juin - 17:24

LE MONDE | 29.05.2014 |
Propos recueillis par Nathaniel Herzberg

En 1957, un article du « Monde » sur la guerre d'Algérie inspire une pièce de théâtre « Le Monde » et moi 1145357_4_1db8_l-ecrivain-et-metteur-en-scene-michel-vinaver_f23b95ce7a757b3245e6d6b545350d87
L'écrivain et metteur en scène Michel Vinaver présente
"11 septembre 2001" au Théâtre de la Ville à Paris.


Des personnalités racontent une histoire singulière qu'ils ont eue avec « Le Monde »

En 1957, l’auteur dramatique Michel Vinaver se met en quête d’une histoire sur les « événements » en Algérie. Lorsqu’il tombe dans « Le Monde » sur un article traitant de la disparition d’un jeune mathématicien enlevé par l’armée française, Maurice Audin.

Les opérations militaires duraient depuis trois ans. On ne parlait pas encore de la guerre d’Algérie, mais de “pacification”, et, pour celle-ci, la France avait envoyé 300 000 de ses enfants. Ou bien on disait pudiquement “les événements d’Afrique du Nord”. C’est sous ce surtitre générique que je tombe, dans Le Monde du 8 juillet 1957, sur un article intitulé “À propos de deux disparitions à Alger”. Là, je me dis que je tiens peut-être quelque chose.

Ma première pièce était sur la guerre de Corée, écrite à chaud, et se passait en Corée. Ma deuxième, je voulais qu’elle soit centrée sur la guerre d’Algérie, et qu’elle se passe dans les lieux du pouvoir à Paris : les ministères, l’Assemblée. On y verrait tourbillonner les mensonges et les non-dits, en temps réel, puisqu’on était en plein dedans. La pièce aurait pour titre Les Huissiers, dans le sillage d’Aristophane : Les Grenouilles, Les Guêpes, Les Oiseaux. Mais de quelle intrigue partir ? Quelle histoire raconter ?

Lâcheté et exercice du pouvoir

L’un des deux disparus s’appelait Maurice Audin ; c’est à partir d’une lettre de son épouse, Josette, que le journal a publié l’information. Audin, jeune mathématicien enseignant à la faculté des sciences d’Alger, a été enlevé à son domicile par des parachutistes et n’a pas reparu.

Peut-on être affirmatif sur ce qu’a été le déclic de création d’une œuvre  ? J’étais habité par l’idée que le théâtre pouvait montrer la lâcheté en action. La lâcheté en tant qu’accompagnement obligé de l’exercice du pouvoir. Thème tragique, thème riche aussi en prolongements burlesques. Donc je m’y attelle, et Les Huissiers s’écrivent entre octobre et novembre 1957.

Entre-temps, depuis juillet, ce qui est devenu “l’affaire Audin” connaît un retentissement grandissant, grâce en particulier à plusieurs articles du Monde. C’est que Josette Audin n’avait pas chômé, les appuis ne lui avaient pas manqué, notamment celui de Pierre Vidal-Naquet, dont l’enquête a établi qu’à la suite d’une des séances de torture qu’il a subies aux mains des paras, Maurice Audin a été mis à mort par ceux-ci. Face aux faits, le déni des autorités militaires et les contorsions du gouvernement appellent le dramaturge.

Les Huissiers empruntent leur structure à Œdipe à Colone, de Sophocle, avec un personnage, Mme Aiguedon (inspiré par Antigone et par Josette Audin), qui réussit à pénétrer dans le bureau du ministre de la défense nationale pour obtenir la vérité sur le sort de son mari. En vain.

Un si long retard

J’avais terminé la pièce quand Le Monde rend compte, le 3 décembre 1957, de la soutenance “symbolique”, en Sorbonne, de la thèse de Maurice Audin, organisée par ses collègues pour “protester d’une façon particulièrement marquante contre le silence officiellement observé, à propos d’une disparition à laquelle aucune explication satisfaisante n’a jusqu’ici été donnée”.

Jusqu’ici”… À relire l’article aujourd’hui apparaît la saisissante ironie dont ce “jusqu’ici” s’est chargé, puisque, cinquante-sept ans après, on en est toujours là.

Le silence a marqué aussi le destin scénique de la pièce. Roger Planchon, qui avait créé à Lyon Les Coréens et qui m’a aussitôt commandé une nouvelle pièce, a accueilli Les Huissiers avec faveur, en a annoncé la programmation, et puis plus rien. Le projet se perd dans les sables.

Et Les Huissiers patienteront plusieurs dizaines d’années avant de voir le jour sur un plateau. Au moins, ils l’ont vu. Tandis que la vérité sur la mort de Maurice Audin attend toujours. Si cet article venait à l’attention du président de la République, j’aimerais qu’il y voie un appel pour qu’il soit mis fin à un si long retard dans la reconnaissance des faits par l’État.

(http://www.lemonde.fr/festival/article/2014/05/29/8-juillet-1957-le-jour-ou-michel-vinaver-trouve-l-inspiration-des-huissiers_4428668_4415198.html)
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