La situation s'est tendue ces derniers jours en Tunisie. Il y a eu d'abord l'annonce par l'ancien ministre de l'Intérieur d'une menace de coup d'État militaire si, au lendemain des élections législatives, le parti islamiste Ennahda, récemment agréée, devait emporter la majorité des sièges parlementaires. Ensuite, en faisant planer le doute, lors de son intervention télévisée d'hier soir, quant à la date de cet important scrutin initialement prévu pour le 24 juillet prochain, le Premier ministre, Béji Caïd Essebsi, a suscité indignation et colère, particulièrement chez les jeunes qui ont mené la "révolte du Jasmin".
"Le gouvernement s'est engagé en choisissant la date du 24 juillet et on tient à cette date mais si le comité des réformes dit qu'il y a des empêchements techniques et logistiques ce sera une autre probabilité à discuter", a-t-il dit, avant d'ajouter : "Il est vrai qu'il y a une lenteur dans l'étude de ce dossier mais la Haute commission chargée de préparer ces élections cruciales de juillet est autonome et le gouvernement lui apporte seulement son soutien matériel et logistique", sans apparemment mesurer l'importance majeure que représente la tenue de ces élections destinées à fournir une assemblée chargée d'élaborer la nouvelle constitution de la Tunisie.
Certes, voulant rassurer, le Premier ministre a bien pris soin de réaffirmer que le gouvernement provisoire "cesserait ses fonctions le jour de l'élection de l'Assemblée nationale constituante". Mais, les jeunes, qui ont payé le prix fort de la révolte, craignent que des manigances attribuées à l'ancienne équipe du despote déchu soient à l'origine de telles tractations dilatoires n'ayant d'autre but que de casser la dynamique lancée pour l'instauration de la démocratie.
La violence exceptionnelle de la répression policière qui a visé les toutes dernières manifestations de Tunis, où un mort et plusieurs blessés ont été recensés, tend, aux yeux des jeunes, à démontrer de plus sinon un recul du gouvernement sur son propre engagement de respecter la feuille de route qui lui avait été tracée lors de sa constitution du moins une évolution régressive contraire aux aspirations du peuple attendant de profondes réformes mettant définitivement fin au règne du vol et de la dilapidation dont s'était illustré le clan Ben Ali.