Le Point.fr - 29/06/2014
par Dominique Dunglas
Eliot Ness avant l'heure, le célèbre policier italo-américain Joe Petrosino fut assassiné par la mafia en 1909. L'auteur du crime vient d'être découvert.
Giuseppe Petrosino était un dur. Né en 1860, issu d'une famille pauvre de Salerne, il a immigré à New York avec ses parents en 1873. À Little Italy, à cette époque la deuxième ville italienne après Naples avec un million d'immigrés, Giuseppe, qui a américanisé son prénom en Joe, survit grâce à des petits boulots : cireur de chaussures, vendeur de journaux, éboueur. Mais à 23 ans, alors que ses copains du quartier sont pour la plupart déjà au service de la mafia, Joe choisit le camp adverse en devenant flic. La police new-yorkaise est alors en majorité composée d'Irlandais. Petit, teigneux, le visage ravagé par la variole, il est le seul flic à pouvoir pénétrer dans les bas-fonds de Little Italy. Il s'infiltre dans les bars et les bordels en se travestissant en mendiant, en sourd-muet ou en gangster à peine arrivé de la péninsule. Et il multiplie les succès. C'est lui qui arrête les anarchistes responsables de l'assassinat du roi Umberto Ier. Il déjoue une tentative de chantage aux dépens du ténor Enrico Caruso, en tournée en Amérique. Il devient un héros national en résolvant le "mystère du baril", un fait divers qui passionne l'Amérique après la découverte d'un cadavre, les parties génitales enfilées dans la bouche, dans un baril de bière.
Quatre balles de révolver dans le corps
Joe Petrosino est un Eliot Ness avant l'heure et on lui confie la création de "l'italian branch" de la police new-yorkaise afin de combattre la Main noire, la mafia sicilo-américaine, et arrêter son parrain, Don Vito Cascio Ferro. C'est pour accomplir cette mission qu'en février 1909 il s'embarque sous une fausse identité - Giuseppe Valente - sur un paquebot en direction de Palerme. Mais il est reconnu à bord par un journaliste du New York Herald qui révèle l'arrivée du super-flic en Sicile.
L'article se transforme en arrêt de mort. Le 12 mars 1909, Joe Petrosino sort à la tombée de la nuit du café Oreto à Palerme. Il a laissé son Smith & Wesson dans sa chambre d'hôtel. Tragique erreur : des tueurs l'attendent dans l'ombre et lui logent quatre balles de révolver dans le corps. L'Italo-Américain est le premier policier assassiné par la mafia sicilienne.
La vie de Joe Petrosino a inspiré de nombreux romans, documentaires, feuilletons télévisés, bandes dessinées et le film américain Payer ou mourir. Mais il manquait toujours l'épilogue de l'histoire : le nom de l'assassin. Jusqu'à ce que, au cours du mois de février dernier, la police italienne mette sur écoute Domenico Palazzotto. Officiellement à la tête d'une entreprise de transport, il est soupçonné d'être le "régent" du clan d'Arenella. À son interlocuteur, Domenico Palazzotto veut démontrer la pureté de son ascendance mafieuse. "Ma famille appartient à Cosa Nostra depuis plus de cent ans. Nous étions dans le maxi-procès de Palerme et dans la Pizza Connection, dans le livre 200 Ans de mafia, il y a la photo de mon arrière-grand-père et on cite mon oncle." Mais le meilleur est à venir : "Et c'est l'oncle de mon père, Paolo Palazzotto, qui a descendu Joe Petrosino."
Le crime du policier américain est résolu et Domenico Palazzotto est depuis mardi dernier derrière les barreaux pour une série de délits. Joe Petrosino a encore vaincu la mafia, 105 ans après sa mort.
(http://www.lepoint.fr/monde/cold-case-a-palerme-un-crime-mafieux-resolu-105-ans-plus-tard-29-06-2014-1841667_24.php#xtor=CS3-190)