Le soir d'Algérie - 9.06.2014
Dans la nuit de samedi à dimanche vers 3 heures du matin, l’inévitable arriva au 37, rue du Ravin Blanc (à Cartaux) où la dalle épaisse de l’unique pièce où vivait et dormait paisiblement une famille composée du père G. Hasni (43 sans), sa femme (29 ans) et leurs deux enfants Feriel (5 ans) et Mohamed (2 ans), s’est effondrée sur eux.
L’effondrement était d’une intensité telle que des secousses ont été ressenties dans les autres pièces de cette habitation collective (haouch) où vit une quinzaine de familles. Ils ont cru à un tremblement de terre. Sur place, où des pierres continuaient à tomber, nous avons été frappés par l’ampleur des dégâts.
Amel Bentolba - Oran (Le Soir)
Employé comme cuisinier à la Sonatrach, le défunt s’était rendu il y a quelques jours, nous racontent ses voisins, au commissariat du quartier pour les alerter sur la chute d’une pierre dans la pièce où il vivait. Il aurait eu pour réponse que "tant qu’il n’y a pas eu grand dégât nul ne pouvait intervenir". « La veille de son décès, nous étions ensemble au café et il nous avait confié qu’au rythme où vont les choses, il finira par mourir chahid », a souligné son voisin qui contenait difficilement ses larmes.
Il faut savoir que ce quartier dit Ravin Blanc est connu des autorités locales et de tous les walis qui se sont succédé à la tête de la wilaya. Un quartier des plus vétustes menaçant ruine et où les habitants, entre propriétaires et locataires chez l’OPGI ou locataires auprès de privés, ont des dossiers de demande de logement qui existent et attendent depuis les années 70 avec des promesses de relogement depuis deux ans.
Pour revenir au tragique drame qui a coûté la vie à toute une famille, les voisins racontent la nuit d’horreur : « Dès que nous avons compris qu’il ne s’agissait pas d’un tremblement de terre, nous avons tout de suite pensé à Hasni non seulement parce que sa pièce était la plus fissurée, mais aussi au vu de la pierre qui était déjà tombée. »
Une fois tous les voisins sortis de chez eux pour secourir la petite famille, il était impossible d’y accéder, ils ne voyaient de la chambre minuscule qu’un amas de ciment effrité et de grosses pierres. « Il était à peu près 3 heures du matin, et nous n’avions pas d’autre choix, en attendant les secours, que de tenter de dégager la famille prisonnière des pierres. »
Si certains tentaient de déblayer les lieux à mains nues, d’autres remplissaient des bassines et d’autres encore les vidaient, constituant une chaîne humaine. « Vers 6 heures du matin, nous sommes parvenus à entrevoir Hasni la tête sur son oreiller enlaçant ses deux enfants. Il était toujours en vie et ne cessait de nous demander de faire vite ».
Il rendit l’âme quelques instants après. Sa femme et son fils étaient déjà morts. Quant à sa fille, qui présentait des signes de vie, elle a rendu l’âme après son évacuation. Selon les voisins, cela fait 6 mois que cette famille était venue habiter dans cette pièce louée à 12 000 DA par mois.
Bien sûr et comme à chaque drame semblable, les autorités locales, à leur tête le wali d’Oran, se sont déplacées sur les lieux et, après constat, ont donné ordre de recenser les familles et établir un état des lieux mais surtout évacuer tous les habitants car le danger demeure. « Mais pour aller où ? C’est bien beau de se soucier après coup de notre vie, mais on ne nous dit pas, en sortant de chez nous avec ce soleil de plomb, où aller. Des recensements ? Des états des lieux ? Des promesses ? On en a à revendre ! Nous voulons du concret nous l’avons toujours revendiqué et il a fallu des pertes en vies humaines pour voir tout ce beau monde venir nous dire oui vous êtes en danger, il faut sortir ! » s’indignent les habitants de ce quartier.
En attendant des mesures urgentes et concrètes, les habitants du Ravin Blanc restent désemparés et encore sous le choc de la disparition tragique de cette famille.
A. B.
(http://www.lesoirdalgerie.com/articles/2014/06/09/article.php?sid=164561&cid=2)