Yahoo.com - 24.04.2012
Reuters, par Thierry Lévêque |
PARIS (Reuters) - En cas de défaite le 6 mai prochain, Nicolas Sarkozy risque d'être convoqué par les juges dans au moins deux dossiers visant de supposées malversations financières qui ont troublé l'exercice de son mandat et où les investigations progressent.
Le président sortant, qui a bénéficié durant cinq ans d'une immunité pénale liée à son statut, redeviendra un justiciable ordinaire un mois après la fin de ses fonctions, soit vers la mi-juin, s'il perd le second tour, stipule la Constitution.
Les deux dossiers dans lesquels il pourrait être mis en cause visent un éventuel abus de faiblesse sur l'héritière de L'Oréal Liliane Bettencourt et une supposée corruption en marge de la présidentielle de 1995 - l'affaire "Karachi".
Fait plutôt rare en période électorale, les enquêtes n'ont pas été interrompues et les instructions arrivent même dans une phase cruciale.
Dans l'affaire Bettencourt, l'ex-gestionnaire de fortune de la milliardaire Patrice de Maistre, écroué depuis le 23 mars, a demandé mardi sa remise en liberté à Bordeaux.
Dans l'affaire Karachi, l'homme d'affaires franco-libanais Ziad Takieddine a été à nouveau interrogé par le juge Renaud Van Ruymbeke, sur fond de nouvelles découvertes. Il a mis en cause mardi Nicolas Sarkozy devant la presse.
Le président sortant peut craindre que ces affaires le rattrapent car, pour la première fois dans l'histoire de la République, un ancien chef d'État, Jacques Chirac, a été condamné pénalement le 15 décembre 2011 à deux ans de prison avec sursis pour des faits remontant aux années 1990, quand il était maire de Paris.
Cette décision, par laquelle le tribunal de Paris a rappelé "l'obligation de probité qui pèse sur les personnes publiques", a marqué une étape dans la longue histoire des "affaires".
LE PROBLÈME DE LA CJR
Nicolas Sarkozy a été vivement attaqué pendant la campagne, notamment par l'écologiste Eva Joly.
Elle avait qualifié d'"anomalie" le fait de "pouvoir solliciter un deuxième mandat lorsque vous êtes cerné par des affaires judiciaires et dans lesquelles vous ne vous expliquez-pas", avait-elle déclaré sur France 2.
Nicolas Sarkozy a fait part de son "mépris" envers ces accusations et s'est dit victime de manœuvres politiques visant à le discréditer.
Dans le dossier Bettencourt, des retraits en espèces sur la fortune de l'héritière visant à financer frauduleusement la campagne Sarkozy en 2007 sont soupçonnés. Le président sortant parle de "ragots" et rejette les accusations.
Le juge Jean-Michel Gentil a déjà poussé l'enquête dans sa direction, saisissant ses comptes de campagne 2007, des agendas des Bettencourt montrant une possible visite de l'actuel président pendant la période de la campagne 2007, ainsi qu'un journal intime du photographe François-Marie Banier prêtant ces mots à Liliane Bettencourt en 2007 : "De Maistre m'a dit que Sarkozy avait encore demandé de l'argent."
Une audition, voire une mise en examen, paraissent juridiquement inéluctables en cas de défaite.
L'affaire Karachi est plus compliquée, car si le nom de Nicolas Sarkozy apparaît bien dans le dossier d'enquête, c'est en qualité de ministre du Budget (1993-1995), fonction dans laquelle il aurait selon un rapport de la police luxembourgeoise approuvé la création de structures off-shore au Grand-Duché.
L'hypothèse des juges est qu'elles ont servi au détournement partiel, à des fins de financement politique frauduleux, de commissions légales convenues en marge de la vente de sous-marins au Pakistan (84 millions d'euros) et de frégates à l'Arabie saoudite (200 millions d'euros) dans les années 1990.
Nicolas Sarkozy nie tout rôle dans la création de structures off-shore et, à propos d'un éventuel lien entre les commissions et l'attentat, il a parlé de "fable".
"Il ne sortira rien de tout cela et tout le monde le sait", a-t-il dit en octobre 2011 sur TF1 et France 2.
Une audition comme témoin par les juges est possible, mais des poursuites semblent exclusivement relever de la Cour de justice de la République (CJR), seule institution compétente pour les actes ministériels. Le candidat socialiste François Hollande propose toutefois de la supprimer et de déférer les ministres devant les juridictions ordinaires.
Cet éventuel "troisième tour judiciaire" se déroulerait dans un climat de rancœur dans la magistrature, qui lui reproche une série de lois pénales et une supposée tentative de mise sous l'éteignoir des enquêtes, notamment dans les affaires Karachi et Bettencourt.
Suite à ces problèmes, le candidat PS comme Nicolas Sarkozy proposent tous deux de changer le statut du parquet pour le rendre plus indépendant, et François Hollande avance aussi l'idée d'un changement du statut pénal du chef de l'État.
(http://fr.news.yahoo.com/pour-sarkozy-la-perspective-dun-troisi%C3%A8me-tour-judiciaire-111740274.html)