20Minutes.fr - 29.03.2012
PARIS - La France compte de plus en plus de pauvres et précaires depuis le milieu des années 2000 et travailler ne suffit plus à se prémunir de l'exclusion, une tendance accentuée par la crise économique et qui devrait perdurer faute de mesures spécifiques, selon un rapport publié jeudi.
"L'observation des tendances de la pauvreté et de l'exclusion sociale depuis une dizaine d'années pointe d'abord des évolutions préoccupantes", souligne l'Observatoire national de la pauvreté et de l'exclusion sociale (Onpes) dans son rapport 2011-2012, qui a compilé et commenté une vingtaine d'indicateurs.
Même si la France avait d'abord "plutôt bien résisté" à la crise 2008-2009, ses conséquences sont aujourd'hui "lourdes, multiples et échelonnées dans le temps", poursuit l'instance officielle.
Ainsi, en 2009 (dernier chiffre disponible), le taux de pauvreté retrouvait son niveau de 2000, à 13,5% de la population, après un "point bas à 12,6%" en 2004, rappelle le rapport, publié à moins d'un mois du premier tour de l'élection présidentielle.
Nicolas Sarkozy avait promis en 2007 de réduire d'un tiers la pauvreté pendant son quinquennat. En raison du décalage des statistiques, on ne saura qu'en 2014 quel est le taux de pauvreté de 2012.
Ainsi, 8,2 millions de personnes vivaient en 2009 avec moins de 60% du niveau de vie médian (954 euros).
Si l'on prend en compte les indicateurs de la Commission européenne, ce sont 11,2 millions de Français qui étaient en 2009 touchés soit par la pauvreté monétaire, soit pas des "privations matérielles sévères", soit par une "très faible intensité de travail".
700.000 personnes cumulaient les trois critères.
L'Onpes s'inquiète particulièrement de la "montée indéniable de la grande pauvreté", a souligné en conférence de presse Jérôme Vignon, à la tête de l'Observatoire.
Près de deux millions de personnes vivaient en 2009 avec moins de 640 euros mensuels (40% du niveau de vie médian), soit 3,3% de la population, un taux "en nette progression" (2,7% en 2000), selon le rapport.
Les personnes en grande pauvreté se trouvent dans une sorte de "halo du chômage", dont les chances de sortir "sont très faibles, en raison du cumul de handicaps lourds, notamment en matière de santé, d'éducation et de logement".
Ce "cercle vicieux de la pauvreté (...) constitue un noyau dur de l'exclusion dans notre pays: des femmes chefs de famille monoparentale et leurs enfants, des hommes isolés et dépourvus de qualifications professionnelles, des femmes seules et âgées".
Quant à ceux qui travaillent, l'Onpes s'inquiète des personnes aux "qualifications insuffisantes", que "le fonctionnement sélectif du marché du travail, privent quasiment de toutes chances d'accéder à un emploi durable et de qualité", comme l'attestent les statistiques du chômage de longue durée.
"Il vaut mieux avoir un emploi pour éviter la pauvreté mais il n'en prémunit plus autant qu'avant", a résumé Jérôme Vignon.
À défaut d'un soutien spécifique aux travailleurs pauvres, "il faut s'attendre en 2012 à une augmentation sensible du nombre de personnes en situation de pauvreté", a-t-il prévenu.
Malgré ce sombre tableau, l'Onpes note que les prestations sociales permettent de "réduire de huit points la part des personnes sous le seuil de pauvreté".
"Nous livrons un message d'alarme mais aussi de confiance car la France a su grâce à un système complet et sophistiqué" de protection sociale, limiter les effets de la crise, a ajouté M. Vignon.
L'Onpes relativise également les chiffres de l'emploi en Allemagne, meilleurs qu'en France mais qui s'accompagnent de "réduction de salaires", "d'une sensible précarisation de l'emploi" et d'une hausse de la pauvreté (12,2% en 2005 contre 15,6% en 2010).
L'Onpes prône notamment une revalorisation des minima sociaux.
(http://www.20minutes.fr/societe/907311-france-compte-plus-plus-pauvres-precaires)