Tarascon
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| Sujet: Essai - Marx, masse critique Ven 30 Mar - 14:00 | |
| Le Point - 22/03/2012 par Gérard Desportes Dans "Marx, prénom : Karl" (Gallimard), Pierre Dardot et Christian Laval décortiquent la pensée de l'auteur du "Capital". Un livre qui fera date."Marx, prénom : Karl", de Pierre Dardot et Christian Laval (Gallimard). À droite : statue de Karl Marx à Chemnitz Les livres définitifs existent-ils, ceux qui épuisent une question ? Qui par leur rigueur, leur exhaustivité érudite, la distance honnête qu'ils mettent avec leur sujet d'étude permettent au lecteur de comprendre qu'il vient de terminer quelque chose d'indépassable ? On sait que non. Ce Marx, prénom : Karl (1) tutoie pourtant la catégorie du livre définitif et - phénomène singulier - attire cependant la critique. À commencer par le choix du titre, un brin mensonger. Il ne s'agit pas là de la énième biographie du barbu de Trèves - on gardera celle de Franz Mehring pour le Marx héroïque et responsable, celle de Françoise P. Lévy pour le Marx goujat et égoïste. De l'homme, il n'est pas question ici, mais d'un livre de doctrine, la compilation massive des lectures qui ont constitué la pensée du révolutionnaire, les événements historiques qui l'ont fait évoluer, les nécessités de la lutte qui l'ont parfois entachée (notamment sa mauvaise foi crasse sur la Commune de Paris) et la production intellectuelle qui en a résulté jusqu'à aujourd'hui. 690 pages, sans l'appareil critique. Un délire éditorial. Aucune anecdote (en fait une seule, à la toute fin de l'opus), des milliers de références pour suivre à la trace les influences, l'explication pointilleuse des présuppositions qui fondent les raisonnements qui mènent aux conclusions pour l'action ou pour le simple plaisir de la discussion. Du jamais-vuUn demi-siècle passé à lire, penser, discuter et agir se présente sous la plume des auteurs, tous les deux enseignants. Du jamais-vu, en langue française en tout cas. Avec l'exposition méticuleuse et souvent reformulée des apports connus (ceux de Hegel bien sûr, Saint-Simon ou Rousseau par exemple), mais aussi les emprunts aux penseurs de l'autonomie, des luttes municipales ou des communes médiévales. Où l'on voit que Marx a passé sa vie à se nourrir des autres pour ordonner sa pensée et proposer une méthode d'explication du monde et des mécanismes du capitalisme. Reprenant la trilogie très en cour dans les milieux éclairés de l'époque (la philosophie est allemande, l'économie anglaise et la politique française), le livre montre les hésitations, les allers-retours d'une intelligence dans son mouvement, sans rien cacher des erreurs ou masquer la part des "légendes marxistes" qui émailleront l'histoire des idées. Son plan en trois parties est classique : l'élaboration du concept de l'activité pratique comme "activité objective", la lutte des classes et enfin le capital et la théorie de la valeur (les chapitres sur la situation actuelle d'un capitalisme financiarisé au regard de la prédiction marxiste selon laquelle le système allait inexorablement s'effondrer de lui-même constituent le sommet de l'ouvrage et resteront dans les annales). S'accrocherParmi les reproches, on citera le caractère inaccessible de certains chapitres (les 2 et 6) quant au niveau philosophique requis et les longueurs quand les auteurs assassinent les thuriféraires qui, à leurs yeux, ont mal ou pas compris ce qu'a voulu dire le maître. Pour le dire crûment, il faut parfois s'accrocher. Le livre aurait gagné en concision et en simplicité ce qu'il aurait perdu en perfection. Mais de la même manière qu'il faut laisser les belles femmes aux hommes sans imagination, sans doute faut-il laisser les livres sans défaut aux lecteurs impatients. Marx sert à penser. Enfin un livre à cet usage. (http://www.lepoint.fr/livres/relu-essai-marx-masse-critique-22-03-2012-1446002_37.php) | |
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