El-Watan - 28.01.2012
Commentaire de Tayeb Belghiche
Depuis une dizaine d’années, l’Algérie n’est plus gouvernée ou très mal gouvernée ; l’État est sapé dans ses fondements, dans sa crédibilité. Comme si des forces hostiles gravitant dans les sphères du pouvoir s’étaient juré d’affaiblir ce pays pour assouvir on ne sait quelle vengeance.
Nouveau signe de cette Algérie qui sombre : les produits pyrotechniques, dont certains extrêmement dangereux, sont en vente libre partout, dans Alger et à l’intérieur. Pourtant, la loi est claire à ce sujet : ils sont strictement prohibés. Comment se sont-ils retrouvés sur le marché ? Les quantités offertes prouvent qu’ils ne sont pas arrivés dans des cabas mais bel et bien par containers.
Certes, on nous annonce de temps en temps la saisie d’un container par les douaniers, mais rien ne dit que cela fait partie d’une guerre entre mafiosi, chacun voulant éliminer un concurrent en le dénonçant aux autorités. Plus troublant encore, la police n’inquiète aucunement les revendeurs qui étalent leur marchandise au vu et au su de tout le monde. Certes, il est difficile d’ennuyer un jeune chômeur qui trouve là une occupation éphémère pour se faire un peu d’argent de poche. Mais jamais, depuis que ce commerce illicite existe, la police n’est remontée à la source. On n’a pas voulu le faire. Ce qui laisse supposer que les contrebandiers importateurs sont très puissants et qu’ils peuvent être dans l’appareil de l’État. Si la descente aux enfers continue pour le pays, rien ne dit qu’on ne verra pas un jour de la drogue vendue ouvertement aux consommateurs et des gros bras faire la loi, comme cela se voit actuellement dans la ville mexicaine de Ciudad Juarez. Un avant-goût est donné dans la région de Tébessa où des bandes armées n’ont pas hésité à attaquer des brigades de gendarmerie ou des douanes pour libérer un complice. Jusqu’à ce jour, aucun de ces agresseurs n’a été arrêté.
Il est vrai que les mauvais exemples viennent « d’en haut ». Les délinquants en col blanc ont proliféré comme des amibes depuis une dizaine d’années, comme l’attestent les scandales qui ont secoué notamment les ministères des Travaux publics de Amar Ghoul (MSP), de la Pêche de Abdallah Khanafou (MSP) et de l’Énergie et des Mines lorsqu’il était dirigé par Chakib Khelil, avant qu’il ne soit exfiltré en toute impunité.
La plus terrible des décennies noires est celle qu’est en train de vivre actuellement l’Algérie. Et elle n’est pas encore près de sortir de l’auberge… s’il y a un soubresaut salvateur.