20Minutes.fr - 24.01.2012
avec AFP
ÉNERGIE - La Cour des comptes a dénoncé les aides publiques à ces carburants pas toujours très écologiques...
La Cour des comptes a dénoncé mardi les « incohérences » de la politique publique d'aide aux biocarburants, dont le coût est essentiellement supporté par le consommateur, pour un bilan agricole, écologique et énergétique mitigé. « L'automobiliste sait-il que le gazole qu'il utilise dans sa voiture contient très certainement du biodiesel? Que leur présence réduit le nombre de kilomètres qu'il peut parcourir (...)? », s'est interrogé Didier Migaud, le premier président de la Cour des comptes, lors de la présentation du rapport.
Un prix de production plus élevé et une moindre densité énergétique
En France, depuis plusieurs années, les biocarburants sont vendus après mélange avec les hydrocarbures. Ils sont distribués pour la circulation automobile sous deux formes, le biodiesel (produit à partir du colza ou du tournesol) en addition au gazole et le bioéthanol (à base de betterave et de céréales) mélangé à l'essence. Toutefois leur moindre densité énergétique implique un surcroît de consommation pour les automobilistes, qui doivent mettre un peu plus de carburant pour parcourir la même distance, explique la Cour dans son rapport.
À cela s'ajoute un prix de production plus élevé des biocarburants qui est répercuté à la pompe tout comme l'est la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) payée par les distributeurs. Au total, la présence de bioéthanol dans un plein de 50 litres d'essence représente un surcoût de 2,3 euros pour le consommateur et de 60 centimes pour le biodiesel, a calculé la Cour. Les consommateurs ont donc déboursé entre 2005 et 2010, près de 3 milliards d'euros de plus pour les biocarburants. « En raison de l'incohérence de la politique de l'État, le consommateur, in fine, lui paye un nouvel impôt », a déclaré Didier Migaud.
Le bilan agricole est « mitigé »
Au cours de son étude, la Cour a en effet noté plusieurs incohérences dont notamment l'incompatibilité entre les objectifs d'incorporation de biocarburants et les exigences européennes de qualité des carburants. Elle estime donc nécessaire de clarifier les dispositifs, d'envisager « un soutien plus modéré » à la filière qui a reçu 2,25 milliards d'euros d'aide en 5 ans et de préciser les « objectifs » pour le citoyen « qui a été le financeur de cette politique sans qu'on lui dise ». Ainsi, pour elle, le bilan agricole est « mitigé quoique légèrement positif » et sur le plan énergétique, le bilan n'est pas « aussi favorable qu'on pourrait le croire ».
Développés sur les terres en jachère, les biocarburants ont permis la diversification des débouchés de l'agriculture, ce qui a été salutaire pour la betterave, note la Cour, qui précise que selon les professionnels cela a généré 18.000 emplois directs et indirects. L'essor des biocarburants a par ailleurs permis de réduire les importations de soja de la France, grâce aux autres produits issus des biocarburants (principalement les tourteaux de colza destiné à la nourriture du bétail).
La pertinence environnementale est très contestée
Concernant la dépendance énergétique de la France, l'impact des biocarburants reste minime puisqu'ils représentent moins de 5% de la consommation de carburant et leur expansion est limitée pour ne pas empiéter davantage sur la surface agricole commune (ils en occupent aujourd'hui 6%). Quant à la pertinence environnementale, « qui est celle la plus immédiatement mise en évidence pour le citoyen », elle est difficile à mesurer et de plus en plus contestée. Selon la Cour, le prix de la tonne de dioxyde de carbone évitée apparaît aujourd'hui très élevé pour les biocarburants.
(http://www.20minutes.fr/article/866234/biocarburants-trop-chers-toujours-verts-selon-cour-comptes)