TSA - 23.01.2012
par Hadjer Guenanfa
« Il y a une volonté de casser et de briser El Watan », tempête, ce lundi 23 janvier au téléphone de TSA, le directeur de publication Omar Belhouchet en évoquant la mise en demeure dont son journal fait l'objet, depuis hier, par la Caisse nationale des assurances sociales (CNAS). Celle-ci lui réclame le paiement d'arriérés de charges sociales concernant les collaborateurs et pigistes du journal, à hauteur de 220 millions de dinars (22 milliards de centimes).
« Tous les organes de presse font appel à des collaborateurs et des pigistes », rappelle le directeur du principal quotidien francophone algérien. Avant de s'interroger : « Pourquoi seul El Watan est-il destinataire de cette mise en demeure ? On parle d'impayés de cotisations depuis 2005, pourquoi pas, dans ce cas, à partir de 1990, date de la création du journal, ou 2003, ou 2004 ? ». M. Belhouchet affirme que la majorité de ses collaborateurs pigistes travaillent déjà dans d'autres organes de presse. « On ne peut pas assurer une personne deux fois. Avec la CNAS, on est en règle, les 230 travailleurs du journal sont déclarés », souligne-t-il. Le directeur d'El Watan assure également que sa publication concède 10 % à l'IRG (impôt sur le revenu global) pour ses 70 collaborateurs.
Rétorsion et pressions politiques
Jeudi dernier, El Watan a publié une enquête sur l'envoi de malades algériens pour des soins à l'étranger mettant en cause la CNAS. Omar Belhouchet se demande si la mise en demeure ne serait donc pas une tentative de rétorsion. Il s'interroge aussi sur un lien entre cette mise en demeure et la prochaine tenue des élections législatives. « À chaque fois que des élections approchent, il y a des tuiles qui nous tombent sur la tête. Serait-ce une manière de faire pression sur le travail de la rédaction ? »
Ce n'est pas la première fois, en effet, que son entreprise fait face à ce genre de situation. Il se souvient que son journal a déjà été confronté au fisc en 2008, lors du débat sur la révision de la Constitution, et notamment sur la reconduction du troisième mandat présidentiel.
En plus du processus de recours habituel qu'il va lancer, M. Belhouchet affirme que son journal continuera à prendre à témoin l'opinion nationale. « Nous considérons que c'est une affaire politique. Ce n'est pas la première et ce ne sera pas la dernière ». « On n’a pas l'habitude de se laisser faire ! », lance-t-il, précisant qu'il entend saisir les instances nationales et même internationales s'il y a nécessité.
Riposte de la CNAS
Accusée de machination politique, la Caisse nationale des assurances sociales se défend. « La CNAS n'a pas d'autre intention que la stricte application de la réglementation en matière de sécurité sociale », assure d'emblée à TSA le directeur du recouvrement et du contentieux de la Cnas, Malek Hamdani, joint par téléphone. Selon lui, l'opération de contrôle visant El Watan, à l'instar de nombreux quotidiens et de chaînes de télévision et de radio, entre dans le cadre d'un programme d'action plus large de la CNAS. « Les agents ont relevé des infractions. Celles-ci ne sont pas dues à la mauvaise foi mais beaucoup plus une mauvaise interprétation ».
M. Hamdani indique encore que ces infractions ont été constatées dans plusieurs quotidiens. Il explique que la loi algérienne exige la déclaration des collaborateurs et pigistes, même dans le cas où ils travaillent ailleurs. Pour étayer ses propos, M. Hamdani cite l'article 8 de la loi 83-14 relative aux obligations des assujettis en matière de sécurité sociale : « Sont obligatoirement affiliés à la sécurité sociale les personnes (…) qui exercent en Algérie une activité (…) ou qu'elles soient en formation à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit pour un ou plusieurs employeurs, quel que soit le montant ou la nature de leur rémunération, la forme, la nature ou la validité de leur contrat ou de leur relation de travail ».
Précisant que les voies de recours ne sont pas fermées, M. Hamdani assure ne pas vouloir « aller vers un contentieux », mais vers « un règlement à l'amiable ».