Latribune.fr - 9.01.2012
par Romain Renier
Berlin et la Bundesbank s'opposent à toute solution qui favorise le « laxisme des États européens ».
Rigueur et récession, voilà le menu pour 2012. Contraints de réduire de manière drastique leurs dépenses publiques, les pays membres de la zone euro sont piégés par la hausse de leurs coûts de financement sur les marchés. Le 17 novembre, le spread France-Allemagne a atteint son plus haut niveau depuis la création de la monnaie unique et demeure tendu à 140 points de base. Le spread italien à 10 ans a atteint quant à lui un pic depuis 1997. Conséquence, la situation devient de plus en plus intenable, l'effet boule de neige sur les déficits et la dette étant inévitable, faute de croissance.
La création des eurobonds, « indispensables » selon Jacques Delors, devait permettre de rassurer les marchés. Mais l'Allemagne et les pays du nord de l'Europe se sont dressés contre toute mutualisation des dettes consistant à payer pour des États « non vertueux ».
Dans une tribune publiée dans les colonnes du « Monde » le 3 janvier "Pourquoi faut-il que les États payent 600 fois plus que les banques ?", Michel Rocard, ancien Premier ministre et président du directoire de Terra Nova et Pierre Larrouturou, économiste, ont proposé une alternative.
Inspirés par l'exemple de la Fed, qui, au plus fort de la crise de 2008, avait sauvé le système bancaire américain en accordant des crédits à 0,01 %, ils proposent que dans le même esprit, la BCE prête à des établissements publics de crédit aux mêmes taux que ceux pratiqués pour les banques commerciales. C'est-à-dire 1 % aujourd'hui. Ces mêmes établissements publics pourraient ensuite prêter aux États aux mêmes taux et rendre supportables les coûts de refinancement des dettes anciennes. De quoi soulager un pays comme l'Italie qui dégage un excédent primaire mais qui se retrouve étranglé par ses coûts de refinancement supérieurs à 7 % aujourd'hui.
Du point de vue des traités, « il n'existe aucune barrière juridique à un prêt de la BCE à un établissement public de crédit », explique un fonctionnaire de la BCE. Libre à ces établissements de fixer leurs propres taux et de prêter aux États. Seule condition, ne pas pratiquer des taux moins élevés que ceux auxquels ils ont emprunté. Mais l'idée est rejetée d'emblée. « Il faut respecter l'esprit des traités », explique-t-on à Francfort, faisant écho aux propos tenus récemment par Mario Draghi. On préfère en appeler à la responsabilisation des États et on insiste sur les efforts qui doivent être accomplis. « L'austérité est douloureuse, mais elle est la seule solution viable sur le long terme », ajoute le membre de l'institution qui cite l'Allemagne en exemple.
L'idée de Michel Rocard et de Pierre Larrouturou, qui permettrait d'alléger le poids des frais financiers dans le budget des États en crise, n'a pourtant pas pour objectif de remettre en cause le modèle actuel de financement des États. Simplement d'en limiter les effets pervers. Mais cette solution se heurte à l'opposition de Berlin. La semaine dernière, Jens Weidman, gouverneur de la banque centrale d'Allemagne, a prévenu : « La Bundesbank va s'engager dans les mois et années à venir pour que les principes fondamentaux soient respectés ».
(http://www.latribune.fr/actualites/economie/union-europeenne/20120109trib000676507/pourquoi-la-bce-ne-prete-pas-aux-etats-aux-memes-taux-qu-aux-banques.html)