Nord-Éclair - 15.11.2011
par julia.mereau@nordeclair.fr
Le cercueil de son père a été perdu entre Lille et Alger, sur un vol de la compagnie Aigle Azur. Une nuit d'angoisse pour Mourad Mékidèche et sa famille, à qui on propose aujourd'hui une indemnité équivalente au poids du « bagage perdu ».
Un cercueil perdu en soute. On peine à le croire, et c'est pourtant bien ce qui est arrivé à Mourad Mékidèche et sa famille, sur un vol Lille-Alger, de la compagnie Aigle Azur.
En avril dernier, son père Mohammed, un Lillois de 74 ans, décède d'une crise cardiaque. Ses proches encaissent la douleur d'une vie partie brutalement, et s'organisent. « Grâce à l'assurance de ma mère, raconte Mourad Mékidèche, on a pu organiser le rapatriement de son corps à Alger ». Il était dit que son défunt père prendrait alors l'avion le 6 avril depuis Lille. Sauf qu'à l'aéroport d'Alger, la famille ne réceptionne pas le cercueil. Vers 20 h, Mourad, resté à Tourcoing, reçoit le premier appel de son frère, inquiet. Personne sur place ne sait où se trouve le cercueil pourtant bien embarqué dans l'avion de 17 h 15. Mourad a vérifié auprès des pompes funèbres. Et c'est une nuit d'angoisse qui s'amorce. « On a passé la nuit à chercher son père », témoigne son épouse. « Lorsqu'on appelait la compagnie, un coup ils nous disaient qu'ils n'avaient pas de "dossier". Un coup, qu'il avait atterri dans une autre ville d'Algérie. En réalité, personne ne savait où était mon père ! ».
Au matin du 7 avril, conseillé par son beau-frère, Mourad pousse la porte de la permanence d'UFC-Que Choisir, à Lille. « Il m'avait dit qu'ils étaient efficaces. Et effectivement, à partir du moment où j'ai été pris en charge, tout est allé très vite ». La bénévole harcèle la compagnie et finit par obtenir une réponse : le cercueil est localisé à Lyon. « Et elle s'est démenée pour faire rapatrier le corps au plus vite », l'en remercie encore Mourad. Tout aurait pu en rester là, sauf qu'avec du recul, Mourad a pris conscience de l'énormité. Comment ont-ils pu simplement perdre le cercueil de son père ? « Et pour moi, ce qui est choquant aujourd'hui, c'est que cela ne représente rien pour eux. Les excuses, c'est nous qui sommes allés les chercher. Et pour indemnité, ils nous proposent le prix au kg du bagage perdu ! ».
Son père, un bagage perdu. Soit 3 800 E. Outre la somme, ce que Mourad Mékidèche n'accepte pas, c'est « ce manque de considération ». « On est traité avec un manque d'humanisme flagrant ». Par la voix de son contact média, Robert Brehon d'UFC-Que Choisir confirme : « La démarche humaine s'est résumée à l'application stricte du règlement en cas de perte de fret ! » . De quoi faire s'interroger Mourad, dans une ironie amère : « On nous parle de sécurité dans les avions mais visiblement, 172 kg de "bagage" peuvent faire un Lille-Alger-Lyon en soute sans que personne ne s'en aperçoive ! »
(http://www.nordeclair.fr/Actualite/2011/11/15/la-vie-de-son-pere-au-poids-du-bagage-pe.shtml)