Atlantico.fr – du 15.03.2017
Entretien avec Corinne Chicheportiche-Aayche(*)
Une étude publiée par le journal Annals of Internal Medicine montre que, sans suivi avec des spécialistes, les personnes qui sortent d'un régime reprennent environ quatre kilogrammes en un an. Des efforts sont nécessaires tous les jours pour éviter la prise de poids.
Attention rechute
Atlantico : Une étude publiée dans le journal Annals of Internal Medicine montre que les personnes qui ont suivi un régime et ont perdu 4 kg ou plus sur une période de 16 semaine ont repris ces kilos perdus au bout d'un an. L'étude montre que les personnes qui ont eu un suivi ont moins repris de poids que celles qui n'ont pas eu de suivi avec des spécialistes. Autant que perdre du poids, est-ce qu'un régime ne consiste pas en un changement de ses habitudes alimentaires ?
Corinne Chicheportiche-Aayche - L'étude met en avant dans sa conclusion ce que nous vivons au quotidien dans nos consultations.
Au delà des conseils diététiques, comportementaux et ceux liés à l'activité physique, la dimension accompagnement par le médecin est capitale. Le régime, d'autant qu'il est drastique et restrictif, est perçu comme une "épreuve" (anticipation pour préparer les plats "acceptables", lutte contre les tentations, isolement social voir professionnel, etc.) nous devons donc avec nos patients en permanence les amener à ancrer les bonnes habitudes qui ont donné des résultats et à comprendre pour mieux les corriger celles qui ont été des freins à la perte de poids. L'attitude doit être bienveillante et objective ; la valorisation des efforts doit être une préoccupation pour le soignant.
L'étude n'insiste néanmoins pas sur le point majeur à mon sens qui permettra d'obtenir une perte de poids stable : la modification des comportements alimentaires. Quels sont ces comportements alimentaires à modifier ? On peut essayer d'allonger la durée des repas, ne pas se précipiter. Cela permettra à chacun de travailler sur la reconnaissance et le respect des signaux physiologiques que sont la faim et la satiété qui sont reliés à la durée des repas. Et enfin, déconstruire progressivement les croyances fortement ancrées qui sont contre productives (notamment que l'on peut manger de tout à condition que ce soit conforme à sa faim et sa satiété, en gérant donc la fréquence et la quantité, et que cela s'intègre dans un programme alimentaire plutôt équilibré pour éviter tout risque de carence et qu'il n'y a finalement que peu d'interdit alimentaire).
Atlantico - Qu'est-ce que l'on peut apprendre de cette étude pour toutes les personnes qui souhaitent perdre du poids ?
Corinne Chicheportiche-Aayche. - Cela fait référence à ce qui est dit dans la réponse à la première question. En complément, pour perdre du poids il faut travailler sur le moyen et le long terme pour modifier durablement des habitudes alimentaires en travaillant simultanément plusieurs points. La dimension diététique d'une part : le choix des aliments, en régulant mais sans interdire complètement les aliments à haute valeur énergétique. La dimension comportementale, ensuite, en effectuant ce travail sur le respect des signaux physiologiques que sont la faim et la satiété, la durée des repas, la gestion des compulsions lorsqu'il y en a, la capacité à trouver du plaisir sur des produits perçus comme "interdits" mais que l'on peut consommer en petites quantités.
La dimension activité physique est intéressante, car, au-delà de brûler des calories, elle procure un bien être et un apaisement qui modifient la relation à l'alimentation. En effet, l'alimentation est un régulateur d'émotions. C'est ce qui explique que dans des périodes émotionnellement compliquées, les patients voient leur portion augmenter, leur satiété non respectée et les grignotages se multiplier, et enfin accepter que la perte de poids, contrairement à ce que nous vendent tous les magazines et régimes miracle, si on souhaite qu'elle soit pérenne, prend du temps.
Atlantico - L'auteure principale de l'étude parle d'une rigueur et d'efforts à suivre pour réussir à ne pas reprendre du poids. Quels sont ces efforts et en quoi sont-ils contraignants psychologiquement pour les personnes qui sortent de régimes ?
Corinne Chicheportiche-Aayche - Je ne suis pas d'accord avec cette assertion. La notion de rigueur et d'efforts est probablement ce qui a contribué à l'échec des régimes depuis des décennies. Elle amplifie la restriction que va s'imposer le patient, laquelle favorisera ou amplifiera dans un grand nombre de situations les modifications comportementales décrites ci dessus : augmentation des rations, grignotages souvent compulsifs assortis d'une culpabilité fortement anxiogène donc contre-productive. Pour que la perte de poids soit pérenne, elle doit se faire dans la douceur et la réussite...
(http://www.atlantico.fr/decryptage/qu-faut-savoir-pour-ne-pas-reprendre-poids-qu-on-perdu-corinne-chicheportiche-ayache-2986846.html)
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(*) Corinne Chicheportiche-Ayache est médecin-nutritionniste. Elle exerce dans un cabinet à Paris.
https://dr-chicheportiche-ayache-nutrition.fr/