Le Floch Prigent, ex PDG d’ELF condamné dans une nouvelle affaire

Bien que reconnu coupable devant le tribunal de commerce de Paris, dans une troisième affaire où il lui est reproché d’avoir rétribué des emplois fictifs en Suisse, l’ancien PDG d’ELF échappe cette fois encore à l’emprisonnement. Cet ancien ami de Mitterrand, auquel il devait d’ailleurs sa désignation - une désignation qui, à l’époque, avait soulevé dans le milieu des affaires une vive controverse liée étroitement à l’inaptitude de cet homme à diriger une aussi grande compagnie -, et qui a été déjà condamné à cinq ans de prison dans une plus grave affaire ayant en son temps défrayé la chronique, cet inculpé, donc, a fait valoir une fois encore, pour se soustraire à la réclusion, des raisons de santé, mais d’Etat en réalité.

En effet, le rapport à l’Afrique, et plus précisément au Congo et au Gabon, de ce triste personnage et de son adjoint et alter ego, Alfred Sirven, a bien été évoqué et mis en exergue, sans toutefois susciter la moindre préoccupation dans l’opinion, lors d’une émission de télévision d’une chaîne publique française diffusée il y a déjà quelques années, à une heure de grande écoute.

A cette occasion, il a été effectivement établi, avec force témoignages de hauts responsables africains interrogés sous la caméra, qu’ELF, dirigée alors par ces deux grands maîtres des affaires, avait poussé l’impudence jusqu’à voler, je dis bien voler, le fisc particulièrement congolais en maquillant les facturations d’exportation de pétrole, pour en réduire les droits dus au dixième. Avec les marges substantielles ainsi obtenues, cette importante et tentaculaire entreprise publique s’arrogeait ensuite la liberté de soudoyer des dirigeants d’autres pays pétroliers africains pour obtenir des concessions de recherche ou encore pour mieux préserver les intérêts français établis sur place.

De cet étalage éhonté de procédés semi-officiels, aussi méprisables qu’indignes du pays dit des droits de l’homme, et mis en place apparemment dans une bien plus large dimension, rien, bien sûr, ne serait retenu aussi bien en France qu’en Afrique même pour les dénoncer et moins encore pour les poursuivre. Bien au contraire, il est admis que de telles pratiques aussi machiavéliques qu’ordurières perdurent, tant qu’elles permettent de maintenir la mainmise française sur les maigres ressources africaines. Que l’on vante ensuite, à tout va, les mérites de la soi-disant aide généreusement octroyée à l’Afrique, il y a bien assez de gogos pour y croire vraisemblablement.

Dans cet ordre d’idées, il me semble utile de préciser que les Français ne sont pas les seuls occidentaux à céder à cette tentation devenue coutumière de pomper le plus possible et à bon marché les maigres ressources de l’Afrique, au-delà, faut-il le souligner, du détournement de la rare matière grise. Un fait très ancien mais véridique qui corrobore une telle affirmation me vient à l’esprit et vaut la peine d’être rapporté ici.

Un chef de quart (responsable de l’une des trois équipes travaillant par roulement de 8 h par jour), responsable des chargements de GNL sur des navires affrétés par les clients anglo-américains de l’entreprise qui l’employait à Arzew, a abandonné un soir son poste de travail pour se rendre à Oran, au chevet de sa femme souffrante qui venait de le réclamer en urgence. Bien qu’un de ses collèges suffisamment compétent ait été alors désigné pour le remplacer durant toute la vacation, ledit chef de quart, pris plus tard d’un remords de conscience, s’était avisé de réintégrer son poste, au lever du jour, sitôt rassuré sur l’état de santé de son épouse.

Contre toute attente, que découvrit-il alors ? Tout simplement que tout au long de son absence les index des compteurs volumétriques, dont il avait discrètement pris soin de relever les indications avant son retrait, étaient restés bloqués aux mêmes chiffres. Autrement dit, pendant toute son absence, les navires avaient continué de charger leur gaz, aux frais tout naturellement du contribuable algérien, et avec la complicité évidente non seulement du remplaçant provisoire mais très certainement aussi de toute la hiérarchie, jusques et y compris du PDG lui-même, aujourd'hui décédé, qui avait par ailleurs joué, et c’est regrettable de l’évoquer, un certain rôle dans la révolution algérienne.

Pour l’histoire, les faits portés à la connaissance du chef de l’Etat de l’époque s’étaient soldés par le simple limogeage en catimini dudit PDG de ses fonctions ; mais rien n’a été entrepris pour mettre la main, en Suisse, sur son pactole amassé pendant ce temps.