Le Point.fr - Publié le 07/06/2011
par Saïd Mahrane
Dans le tome 2 de ses mémoires, l'ancien chef de l'État parle sans haine de son successeur. Et sans indulgence.
Jacques Chirac sort de son silence ! L'ancien président de la République publie le second tome de ses mémoires, qui revient sur ses douze années à l'Élysée. En exclusivité, Le Point publie - dans son édition de jeudi - les meilleurs extraits de ce livre, intitulé Le temps présidentiel (éditions Nil), éminemment politique et qui, pour ses anecdotes et ses portraits savoureux, suscitera l'intérêt du lecteur. Comme George W. Bush, Lionel Jospin et bien d'autres, Nicolas Sarkozy - "nerveux, impétueux, débordant d'ambition, ne doutant de rien et surtout pas de lui-même" - n'échappe pas à la critique.
Comment, pour Jacques Chirac, oublier la révélation, à trois mois de la présidentielle de 1995, de l'affaire dite de la plus-value des terrains de Vigneux, appartenant à sa belle-famille ? À ce sujet, l'ex-chef d'État écrit qu'il lui a "toujours manqué la preuve qu'elle avait été initiée par le ministre du Budget (alors Sarkozy, ndlr)". Comment faire l'impasse sur l'ironie de celui qui fut ensuite ministre de l'Intérieur, président de l'UMP et qui crut bon de moquer l'amateur de sumo qu'est Chirac ? "Réagir à cela, du moins publiquement, ne pouvait que conduire à un affrontement auquel, je persistais à le penser, il n'eût pas été digne de se prêter", confie le mémorialiste, qui, encore atteint par la saillie, ne retient plus sa plume : "Devais-je dans ce cas prendre une décision plus radicale, comme on me le conseillait ? Il m'est arrivé de m'interroger à ce sujet." Ainsi Jacques Chirac, tout en sincérité, résume-t-il ses liens avec Nicolas Sarkozy : "Il a une qualité indéniable : celle d'avancer toujours à découvert. Ses ambitions présidentielles sont vite devenues transparentes, à peine est-il arrivé Place Beauvau, quitte à paraître anticiper quelque peu sur des échéances qui n'étaient pas immédiates. Mais je me suis aussitôt refusé à entrer dans le rapport de forces qu'il tentait d'établir entre nous, considérant que celui-ci ne pouvait être que destructeur pour nos institutions."
Entre eux, le style fut différent, mais également la vision de la France, qu'ils étaient loin, très loin de partager, comme l'atteste cette confidence : "En décembre 2005, je saisirai l'occasion d'une rencontre à l'Élysée avec une cinquantaine de lecteurs du Parisien, qui ont tous vécu de près la crise des banlieues, pour marquer de la même façon mon refus de toute discrimination positive. Cette idée remettrait en cause un principe républicain essentiel, celui de l'égal accès aux emplois sans autre distinction que celle liée au mérite. Je rejetterai tout autant une autre idée en vogue, celle qui consisterait à accorder le droit de vote aux étrangers non européens, et tiens à rappeler, là encore, un des principes fondamentaux de notre République, qui veut que suffrage et nationalité soient indissociables."
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