Sarkozy se sert de la caisse de l'UMP pour tirer Chirac d'affaire

Le parquet n'ayant pas réussi à obtenir le non-lieu dans l'affaire de la Ville de Paris contre Chirac, poursuivi à propos des emplois fictifs du temps où ce dernier était maire de Paris, Sarkozy vient à la rescousse. Le procès, qui inquiète sérieusement l'ancien président de la République, est en effet attendu pour la fin de l'année et, au plus tard, pour le début 2011.

Au cours d'un déjeuner avec le couple Chirac, révèle le journal satirique Le Canard enchaîné, le président Sarkozy aurait proposé à son prédécesseur d'utiliser les caisses de l'UMP, le parti au pouvoir, pour dédommager la Ville de Paris à hauteur des débours illégaux concernant ces emplois fictifs. La note, d'après les calculs effectués, se monterait à quelques 2 millions € ; une bagatelle, bien sûr, pour un parti comme l'UMP.

Me Jean-Pierre Mignard, l’avocat de la Ville de Paris, partie civile depuis 2001 dans le dossier, a déclaré à l'AFP que la Ville était « disposée à être indemnisée à condition que ce soit dans le strict périmètre défini par la juge d’instruction ». Dans l’hypothèse, bien sûr, d’un remboursement avant le procès, « la raison d’être de la partie civile qui est la réparation de son dommage aurait cessé », ajoute l'avocat.

Mais qu'en pensent l'opposition et les juristes d'une telle solution de compromis qui, au plan moral, laisse tout le monde sur sa faim ?

Apparemment, le tuyau du Canard enchaîné est percé...

"Ni de près ni de loin, l'UMP ne s'est penché sur cette question", a déclaré, sur Europe 1, le porte-parole adjoint du parti français majoritaire, Dominique Paillé. "Il ne faut pas donner comme information une supputation ou une rumeur d'un journal dont c'est l'habitude", a-t-il ironisé en ajoutant que "l'hebdomadaire satirique n'était pas le journal officiel de la République française".

"L'UMP n'a jamais abordé cette question" et "les rumeurs ne sont pas forcément de bonnes informations", a encore dit Paillé, en rejetant l'information selon laquelle le futur avion présidentiel serait doté d'une baignoire. "Et pourquoi pas un terrain de tennis ? Soyons sérieux !", a-t-il souligné.

Par conséquent, il semble bien que Chirac devra se présenter devant ses juges vers la fin de l'année ou au début de l'année suivante.

Non ! Insiste aujourd'hui le Canard enchaîné : il y a plutôt un problème de communications à l'UMP qui n'a pas été réglé. Sarkozy aurait simplement oublié de prévenir les dirigeants du parti à propos de la décision qu'il a prise lui-même de proposer à Chirac de faire prendre en charge par l'UMP les remboursements de salaires qui valent à l'ancien président d'être traduit au tribunal pour les fameux emplois fictifs de la Ville de Paris qu'il avait dirigée entre 1992 et 1995.

"Nul bureau politique n'a été saisi officiellement et nul ne le sera tant que les Chirac n'auront pas répondu favorablement à sa proposition", précise encore le Canard.

Au fond, cette proposition s'appuie sur un précédent, puisque l'UMP "avait acquitté les 900 000 €" requis d'Alain Juppé, ajoute le journal satirique. L'ancien bras droit de Chirac à la Ville de Paris a, lui aussi, été jugé et condamné pour d'autres emplois fictifs pris indûment en charge sur son ordre par le même organisme public.

Si la balle est désormais entre les mains de Chirac, qui doit se prononcer sur l'opportunité ou non d'autoriser l'UMP à rembourser à sa place les salaires illégalement versés au titre des emplois fictifs en question, il reste que sur le plan moral, l'accusé ayant toujours allégué de son innocence jusqu'ici, c'est toute sa crédibilité qui s'effondrerait si par extraordinaire il venait à se dédire. Et cela sans doute motive son silence toujours pesant sur la question...

Chirac confirme indirectement les propos attribués à Sarkozy de faire prendre en charge par l'UMP, le parti au pouvoir, le montant des remboursements à la Ville de Paris au titre des rémunérations illégalement servies par elle du temps où l'ancien chef d'État français présidait à ses destinées.

La Ville de Paris pourrait donc récupérer 2,2 millions d'euros au total, dont 1,65 en provenance de l'UMP et 550 000 € sur les fonds personnels du prévenu.

Par cette espèce de concordat qui arrange le maire en exercice de Paris, les poursuites engagées contre Chirac vont donc s'éteindre et le procès prévu à la fin de l'année renvoyé sine die, apparemment.

En tout cas, malgré les dénégations des responsables de l'UMP sur le sujet, c'est bien le Canard enchaîné qui avait donc raison de laisser entendre que Sarkozy, en déjeunant avec Chirac, lui avait proposé cet arrangement, qui risque, le cas échéant, de ternir l'image de Chirac lui-même, un président qui a assumé deux mandats présidentiels successifs, et celle, plus importante encore, de sa dernière fonction.

Réuni aujourd'hui au complet, le Conseil de Paris a adopté, par 147 voix contre 13, le protocole d'accord ayant pour objet de mettre fin aux poursuites exercées par la municipalité de Paris contre son ancien responsable, devenu par suite président de la République, Jacques Chirac, contre remboursement de l'ensemble des emplois fictifs ayant formé le délit retenu contre lui.

En vertu de cet accord, l'UMP et Chirac s'engagent à rembourser solidairement la somme de 2,2 millions d'euros (3/4 par l'UMP et 1/4 par Chirac) en contrepartie du retrait par la municipalité de sa constitution de partie civile dans l'affaire en cause.

« L'équipe que je dirige obtient aujourd'hui la réparation à laquelle aspiraient légitimement les Parisiens. En leur nom, je vous demande d'en prendre acte et d'approuver ce protocole d'indemnisation », a auparavant expliqué le maire, Bertrand Delanoë, aux élus municipaux, avant de préciser : « La somme de 2,2 millions d'euros correspond strictement au montant inscrit dans l'ordonnance de renvoi du juge ».

Yves Contassot, conseiller écologiste du XIIIè arrondissement, et d'autres élus du mouvement des verts ont contesté la véracité du propos : « Si on enlève les intérêts et les frais d'avocat, il reste en réalité un peu moins d'un million et demi d'euros pour les seuls salaires (des 21 emplois fictifs incriminés) ». « Personne de bonne foi ne pourra imaginer qu'avec 1,5 million d'euros on dédommage réellement les contribuables parisiens », s'était empressé de rectifier Contassot.

Benoît Hamon, porte-parole du Parti socialiste a eu le fin mot de l'histoire : « La priorité de Delanoë était d'obtenir réparation. Réparation a été obtenue au prix d'un aveu de l'UMP qu'il y a eu emplois fictifs», s'est-il félicité. Autre façon plus directe d'accuser Jacques Chirac d'avoir menti tout au long du procès engagé contre lui et dont l'épilogue définitif est attendu en janvier prochain.

Rien n'est encore joué dans cette affaire à multiples rebondissements.

Une vingtaine de citoyens, principalement parisiens, décident de se constituer en partie civile, pour pallier au retrait de la Mairie de Paris dans ce rôle. "Cette affaire est exemplaire des dérives possibles du financement de la vie politique. Elle ne doit pas se terminer par une mascarade judiciaire avec un procès sans plaignant", explique leur avocat, Me Frédérik-Karel Canoy, dans Paris-Match.

De son côté, le syndicat des employés municipaux de Paris vient de confirmer son intention de se constituer lui aussi partie civile, après le retrait de la Mairie de Paris.

C'est demain que la date du procès sera indiquée à la 11è chambre correctionnelle de la capitale française.

Rappelons que l'ancien président de la République est poursuivi pour "détournements de fonds publics" et "abus de confiance" pour les 21 emplois fictifs payés par la Ville de Paris du temps où il se trouvait à sa tête.