Le Point.fr - 28/04/2011
De notre correspondante au Caire, Denis Ammoun
L'ancienne première dame d'Égypte et ses deux belles-filles vont être entendues suite à des allégations d'accumulation illégale de richesses.
Dans les salons de la bourgeoisie égyptienne, on ne parle que de ça. L'ancienne première dame d'Égypte, Suzanne Moubarak, et ses deux belles-filles Heidi Rasekh, l'épouse d'Alaa, et Khadiga el-Gammal, celle de l'ancien dauphin, vont devoir rendre des comptes à la justice. Sous le coup d'une accusation pour "gains illicites", l'épouse du président déchu est soupçonnée d'avoir exploité des comptes bancaires de 800 millions de livres égyptiennes, essentiellement alimentés par des dons européens. Par décision du ministre de la Justice, et sans doute pour lui éviter l'humiliation de se rendre au tribunal, l'interrogatoire de Suzanne Moubarak aura lieu dans l'hôpital où se trouvera son mari. En revanche, ses deux belles-filles comparaîtront devant le parquet. La date retenue, celle du 26 avril, a été décalée pour des raisons de sécurité.
Le capital de la famille, selon les estimations des enquêteurs de l'Office des gains illicites, s'élèverait à plusieurs milliards de livres égyptiennes répartis sur 27 comptes bancaires. Il faut ajouter à cette valse de milliards 40 châteaux et villas. Sans oublier les montants placés à l'étranger... Suzanne Moubarak aurait joué un rôle très important dans la constitution de cette fortune. La rumeur l'accuse d'avoir détourné 144 millions de dollars, des dons étrangers faits à la bibliothèque d'Alexandrie, qui était son fief. D'autres rumeurs lui imputent d'avoir encouragé ses fils à réaliser les "gains illicites" qui leur sont attribués.
Manigances politiquesCette mise en accusation a causé une grande surprise. Elle était souhaitée par de nombreux Égyptiens, mais bien peu y croyaient. Pour l'opinion publique, en effet, maintenant que l'ex-raïs est placé en détention à l'hôpital de Charm el-Cheikh et que ses deux fils, Alaa et Gamal, sont écroués à la prison de Tora, plus aucune poursuite n'était envisageable. L'affaire occupe d'autant plus la place publique que les Égyptiens n'aiment pas beaucoup leur ancienne première dame, qui s'était pourtant assigné un rôle plutôt flatteur : défendre les intérêts de la femme égyptienne dans une société qui répugne à lui accorder sa place légitime. Elle a également lutté contre l'analphabétisme des enfants. Et c'est sous le slogan "La lecture pour tous" que son portrait orne toutes les avenues du Caire et des grandes villes.
Cette dernière décennie, les milieux politiques hostiles au régime accusaient Suzanne Moubarak de manigancer pour voir Gamal succéder à son père. Pour atteindre son objectif, elle aurait encouragé l'ancien président à briguer un cinquième mandat, et même un sixième, pour paver la route à Gamal. Hosni Moubarak, âgé et malade, aurait quitté le pouvoir avant terme pour l'organisation d'élections favorables au dauphin attitré.
Les Moubarak rayés de l'histoire d'ÉgypteLa seconde accusée, l'épouse d'Alaa Moubarak, n'a jamais occupé la une des journaux, contrairement à sa belle-mère et à Khadiga el-Gammal, destinée à devenir la future première dame d'Égypte. En avril 2007, son mariage avec le fils cadet de l'ancien raïs, âgé de 43 ans et célibataire endurci, avait défrayé la chronique. Jeune, belle, âgée de 24 ans, Khadiga est la fille unique de Mahmoud el-Gammal, richissime entrepreneur du bâtiment. Selon l'opposition égyptienne, ce mariage faisait partie du "plan de succession", l'Égypte n'ayant jamais été dirigée par un célibataire.
Mais aujourd'hui, l'heure des comptes a sonné. Anticipant les divers verdicts, le tribunal du Caire pour les affaires urgentes a décidé de "supprimer les noms de Hosni et de Suzanne Moubarak de toutes les places publiques, avenues, écoles, bibliothèques... Le chapitre Moubarak est rayé de l'histoire d'Égypte.