Lockerbie revient sur la sellette

Selon le journal anglais Le Guardian, cité par Le Figaro d’aujourd’hui, un rebondissement dans l’affaire Lockerbie tendrait à remettre en cause les principaux témoignages constituant l’ossature des accusations portées contre le Libyen Abdelbasset al-Maghrahi, condamné à la réclusion à perpétuité.

Le premier d’entre eux, Tony Gauci, un Maltais aurait en fait perçu 2 millions de dollars en contrepartie de son témoignage.

Le Guardian va plus loin en écrivant que les avocats du condamné « ont des preuves que les inspecteurs enquêtant sur l’attentat ont demandé à ce que Tony Gauci soit payé après la fin du procès ».

Ce dernier, au procès, avait soutenu avoir vendu à l’inculpé la chemise, de laquelle avait été extrait un fragment de la minuterie électronique de la bombe ayant causé la mort de 270 personnes, dans le vol 103 de la Pan Am du 21 décembre 1988.

En prêtant à l’accusé sa présence, le jour du drame, à Malte, d’où avait été embarquée la valise piégée, le témoin maltais avait également menti, puisqu’il a identifié ce dernier, sur le simple souvenir de sa photo publiée dans un magazine.

Aussi, une révision du procès était-elle déjà programmée et sa date attendue pour la fin septembre dernier.

Le Figaro ajoute, de son côté, avoir révélé, le 27 août dernier, la rétractation d’un second témoin devant la police suisse. Ulrich Lumpert, 65 ans, ingénieur suisse, déclare avoir carrément menti, lors du procès de 2001, en prétendant reconnaître un fragment du retardateur de la bombe.

Si le prochain procès remet les pendules à l’heure en reconnaissant la grotesque erreur judiciaire commise, à cause de laquelle non seulement un homme est injustement enfermé à vie, mais le peuple entier de Libye s’est trouvé durant de longues années désigné à l'opprobre et victime de sanctions aussi illégales qu’attentatoires à sa propre dignité, il faudra désormais se méfier des accusations faites à l’emporte-pièce par des démocraties dites avancées du genre britannique. Et ce n’est pas à l’honneur des services de sécurité de ce pays d’avoir avec autant de machiavélisme réussi à maquiller les pièces maîtresses du procès, qui avait, rappelons-nous, défrayé la chronique des mois durant.

Au cours de l'audience préliminaire du procès en appel de l'agent libyen incarcéré à vie, la question de l'accès par la défense à un document dit capital s'est posée avec acuité. "Je n'arrive pas à comprendre les raisons pour lesquelles l'accusation refuse de divulguer ce document", proteste Me Maggie Scot, avocate du condamné.

Pour le ministère public, le document n'a pu être communiqué à la défense, à cause d'un arrangement avec le gouvernement qui l'a fourni. Aussi, le garde-t-on secret depuis maintenant 19 ans après les faits.

On évoque en même temps la possibilité d'une manipulation de l'une des pièces à conviction retenues par l'accusation, le minuteur de la bombe, dont l'ingénieur suisse qui l'a conçu reconnaît l'avoir remis "à une personne liée à l'enquête" qui ne se trouvait pas dans l'avion visé par l'attentat.

La défense a donc jusqu'au 21 décembre pour présenter ses conclusions. D'ici là, il est possible que l'accusation finisse par céder au besoin de reconsidérer l'affaire dans le fond.

Abdelbasset al-Megrahi, l'ancien responsable des services libyens, qui purgeait en Ecosse une peine à perpétuité pour l'attentat dit de Lockerbie ayant causé la mort de 270 passagers d'un avion de ligne, vient d'être libéré de sa geôle, pour être renvoyé dans son pays.

L'ex détenu souffre d'un cancer de la prostate en phase terminale, raison pour laquelle son élargissement a été décidé par la justice écossaise, en dépit des pressions exercées pour son maintien en prison par les USA notamment.

Il avait été condamné, en 2001, après avoir été reconnu coupable d'avoir joué un rôle de premier plan dans l'explosion du Boeing 747 de la Compagnie Pan Am, en décembre 1988, au-dessus de Lockerbie, une cité écossaise.

Il faut rappeler que cet attentat, joint à celui du cabaret visé en Allemagne ou en Autriche à la même époque et qui avait fait également de nombreuses victimes, répondait en fait, dans l'esprit du leader libyen, à l'attaque au canon qu'avait subie, à Tripoli, la demeure d'el-Kadhafi, où l'une de ses filles a perdu la vie. Cela se passait du temps de Reagan, à la tête de la Maison Blanche, qui, par cette canonnade de la marine américaine, entendait administrer une leçon au président libyen.

Meghrari a toujours clamé son innocence, de son côté. Sa tête avait été impérativement réclamée au leader libyen comme condition préalable de la levée des sanctions qui avaient été imposées à son pays tout au long des années quatre-vingts. L'on sait aussi que Tripoli a fini par indemniser royalement l'ensemble des victimes des deux attentats qui lui sont attribués.

En dépit des mises en garde adressées à la Libye, à l'effet de veiller à ce que Meghrari ne soit pas reçu en triomphe à Tripoli, eu égard à la tragédie dont on l'accuse et pour laquelle il a été jugé et condamné, des centaines de Libyens ont accueilli avec grand bruit leur concitoyen à l'aéroport.

"Les images que nous avons vues de Libye hier sont scandaleuses et dégoûtantes", a dit M. Gibbs, porte-parole de la Maison Blanche. "Nous avons dit au gouvernement libyen que nous continuons à observer la façon dont il va traiter M. Megrahi dans les jours suivants. Nous lui avons également indiqué que nous trouvions ces images insultantes pour les familles des victimes qui ont péri" dans l'attentat de Lockerbie en 1988, a ajouté M. Gibbs.

Tripoli devra donc maintenant affronter la menace des graves conséquences diplomatiques que ce geste ne manquera pas de générer, estiment conjointement Londres et Washington.

Faut-il, en vérité, rappeler que c'est par un acte strictement humanitaire que le Royaume Uni avait accepté de faire libérer le détenu, au risque de provoquer l'indignation des familles de victimes de Lockerbie. Le condamné n'a plus que trois mois environ à vivre, à cause de son cancer de la prostate et, sous d'autres cieux, bien des gouvernements n'auraient pas eu, indéniablement, la même compassion pour un criminel de cette dimension.

On commence à voir beaucoup plus clair dans l'affaire de Meghrahi. Libéré par la justice écossaisse, ce dernier a provoqué, par la réception qui lui a été faite à son arrivée à Tripoli, un tollé d'indignations en Europe comme en Amérique où se comptent les centaines de victimes ayant péri dans l'attentat de Lockerbie.

Par une dépêche de l'AFP, on apprend, en effet, que le cabinet britannique a cédé à la demande de libération libyenne en contrepartie d'un important contrat dégotté au profit de BP. A hauteur de 15 milliards de livres, le permis obtenu par la compagnie pétrolière britannique lui ouvre l'accès à l'exploration d'un vaste champ pétrolier et gazier dans un pays particulièrement prisé pour l'importance de ses réserves énergétiques.

On a pris soin, pour la frime bien sûr, d'intégrer cet échange dans l'accord dit de transfèrement des prisonniers, appelé PTA, de sorte que le public n'y voie que du feu.

C'est aussi pourquoi el-Kadhafi n'avait cure des protestations, visiblement lancées pour la forme du moins du côté britannique, qui ont marqué l'accueil triomphal du célèbre prisonnier ayant appartenu aux services spéciaux libyens.

La survie imprévue du Libyen Megrahi commence à poser un véritable problème en Irlande, d'où, comme cancéreux dit en phase finale, il avait été sorti de prison pour finir ses jours chez lui, dans un délai de trois ou quatre mois, avait-on pronostiqué. Cela fait maintenant bientôt un an depuis sa libération et il est toujours vivant.

Le cancérologue, le professeur Karol Sikora, doyen de la faculté de médecine de l'université de Buckingham, qui avait lui-même établi le pronostic en cause, reconnaît aujourd'hui que Megrahi peut encore vivre 10 ans, créant ainsi l'embarras des autorités qui, elles-mêmes en décidant de libérer le prisonnier, avaient dû alors surmonter la colère du gouvernement américain. Il faut rappeler en effet que l'attentat, qui implique Megrahi concernant l'avion jumbo de la Pan Am ayant explosé en vol, en 1988, au dessus de la ville écossaise de Lockerbie, avait fait 270 morts, en majorité américains.

Le professeur admet néanmoins que les Libyens lui avaient bien fait comprendre que s'il déclarait que Megrahi allait mourir dans les mois qui suivaient les chances de ce dernier pour se faire libérer augmentaient considérablement. "C'était clair qu'elles souhaitaient que ce soit trois mois", a-t-il ajouté. Dans le domaine des probabilités je pensais que je pouvais le justifier", a-t-il déclaré. En démentant avoir subi des pressions, il a ajouté : "Il y avait 5O pc des chances qu'il meure dans les trois mois, mais il y avait 50 pc des chances qu'il vive au delà", avant de reconnaître "C'est embarrassant qu'il ait survécu si longtemps".