La Place des Martyrs, située en basse Casbah à Alger, est ceinte désormais d'une grille en treillis soudé pour lui ôter le caractère de lieu de rassemblement de la contestation.
Ce "mur de la honte", autrement appelé "Ligne Morice" par certains journaux, pour rappeler le barrage électrifié érigé par le colonialisme lors de la guerre de libération sur la frontière tunisienne, symbolise la réponse de Bouteflika aux marcheurs qui lui répètent à l'envi "dégage", à la manière tunisienne.
C'est aussi pour cette raison que 30 000 policiers sont en stationnement quasi permanent à la Place du 1er mai et alentour pour interdire les manifestations du samedi de l'opposition. Mais ils ne semblent pas suffire face à la pression partout dans la rue à Alger, où naissent chaque jour de nouveaux foyers d'incendie, de nouvelles émeutes pour maintes causes pas toujours justifiées. "L'homme du consensus" qui avait été tant applaudi à son arrivée en 1999 a réussi aujourd'hui la prouesse de liguer tout le monde contre lui, du chômeur à l'étudiant, dont les promesses n'ont pas été tenues, du salarié non payé ou réclamant des augmentations au camelot interdit d'exposer sa marchandise sur le trottoir, de l'auto-constructeur rappelé à l'ordre pour s'être accaparé d'une parcelle des lieux publics à l'importateur soumis à des restrictions bancaires, douanières, etc. Chacun y va, à sa façon, pour revendiquer ce qu'il appelle toujours un droit, même si celui-ci est insensé ou irréalisable. Et cela forme l'évidence même, parce que l'État en Algérie est éternellement absent, ses hauts responsables ne s'estimant pas en devoir de fournir en contrepartie de leur rémunération largement abusive dans nombre de cas le quart seulement du travail attendu d'eux.
D'ailleurs, 200 000 policiers répartis à travers tout le territoire national ne suffisent pas non plus, tant des manifestations hostiles au pouvoir éclatent partout dans les profondeurs mêmes du pays et toujours pour des motifs identiques.
Et quand on additionne à ces effectifs pléthoriques ceux de l'armée et de la gendarmerie, incapables à eux tous, par ailleurs, de venir à bout de quelques centaines de terroristes islamistes depuis maintenant 20 ans, l'on se demande si l'Algérie, toute proportion gardée par rapport à l'URSS d'hier, ne gaspille pas plus d'argent pour entretenir sur le dos du contribuable un monde aussi improductif qu'inutile sauf à veiller sur la pérennité d'un régime incapable et surtout fortement usé par la corruption et les détournements de fonds publics.