L'affaire Khalifa n'a pas livré tous ses secrets

En marge du procès intenté par le député FLN, Ouahid Bouabdellah, à l’hebdomadaire El Mohaqiq, pour diffamation, on apprend, selon El Watan rapportant les propos de l’un des deux journalistes poursuivis, Ratiba Bouadma, que « plus de 17 députés sont impliqués dans des affaires de corruption ».

Poussant plus loin son explication, Bouadma a précisé : « Je me suis basée sur une information émanant du ministère de la Justice, selon laquelle le garde des sceaux avait demandé la levée de l’immunité parlementaire sur 17 députés impliqués dans l’affaire Khalifa. Parmi ces députés, j’avais cité le nom de Ouahid Bouabdellah », ajoutant encore : « J’ai dit seulement qu’il est cité à comparaître comme témoin dans l’affaire en question ».

De ces lignes, il est permis de relever que la Justice poursuivrait donc ses investigations complémentaires sur l’affaire Khalifa. Et, s’agissant de députés, il serait malgré tout intéressant de savoir par le menu ce qui est reproché à ces représentants du peuple au milieu de cette foire d’empoigne que fut l’entreprise diabolique et dévastatrice de Khalifa.

Selon Le Matin d'Algérie de Mohamed Benchicou, qui publie l'information aujourd'hui même, la justice britannique aurait rejeté, dès vendredi dernier, la demande d'extradition de Moumen Khalifa, présentée par l'Algérie.

Il semblerait que cette requête n'ait pas été appuyée par les documents requis et que, le délai de leur remise étant arrivé à forclusion, la justice de S.M. considère l'Algérie fort peu intéressée à l'aboutissement de sa demande. Autrement dit, Alger n'aurait engagé les premières démarches vis-à-vis de Londres - avec tout le retard volontaire que l'on sait - que pour la forme, étant entendu que la réouverture de ce dossier épineux risquerait de révéler beaucoup trop de vilénies pouvant faire énormément de mal au régime en place.

Il ne serait pas étonnant, d'ailleurs, que derrière l'éventualité pour Londres de rejeter également l'autre demande d'extradition exprimée par Paris, à propos de ce même dandy, des tractations en coulisse en seraient la cause. Deux noms au moins de pontes du régime algérien ont déjà été cités, il y a quelques mois, à propos des libéralités dont ils auraient abusées du contribuable algérien, via l'escroc Khalifa. Les échanges de bons procédés entre Paris et Alger ne datent pas seulement d'hier...

Le Matin d'Algérie, le bloc de Benchicou, a publié aujourd'hui un papier signé de Lahouari K., qui apporte quelques nouveaux éléments à cette affaire.

Entre autres, Moumène Khalifa aurait été libéré de sa geôle londonienne où il se trouvait enfermé depuis une dizaine de mois. Ensuite, cette libération serait due au refus d'Alger de "répondre à des questions gênantes et compromettantes posées par les magistrats londoniens. Ces derniers voulaient confirmer auprès du gouvernement algérien des révélations très embarrassantes faites par Moumène Khalifa... L'ex milliardaire aurait divulgué aux enquêteurs britanniques des noms de dirigeants algériens, dont des ministres et des proches du président, des hauts cadres et des journalistes(*) et divers autres responsables impliqués dans le scandale".

Il ajoute que le second procès Khalifa devra s'ouvrir devant le tribunal criminel de Blida au printemps prochain. Selon lui, quatre affaires seront à cette occasion regroupées pour être jugées sous le titre de "Transferts illicites de devises" : les stations de dessalement de l'eau de mer, Khalifa Airways, Khalifa Construction et les transferts de devises.

(*) Sauf erreur, il m'a semblé avoir lu ici même que des responsables de journaux privés ont été destinataires d'enveloppes gracieusement distribuées par des responsables de cette entreprise mafieuse pour acheter précisément leur silence lors de l'éclatement du scandale en mars 2003.

Il est possible, désormais, que Khalifa soit rejugé à Alger, après l'accord signifié par la justice britannique d'y extrader l'affairiste décérébré en fuite.

Bien que les autorités françaises demandent, de leur côté, son extradition en France, pour répondre de banqueroute frauduleuse et d'autres délits commis en infraction du droit français, il semble que Londres ait répondu à la demande algérienne, beaucoup plus pressante, qui porte sur des actes délictueux autrement plus graves.

L'avocate du condamné - car ce dernier a été déjà jugé par le tribunal de Blida et condamné à la réclusion perpétuelle par contumace - entend faire valoir le droit de se pourvoir en appel de la décision rendue au Royaume Uni. Le juge londonien, dans ses conclusions, a pourtant certifié que l'extradition retenue n'entravait en rien la Convention internationale sur les droits de l'homme et que Khalifa aurait droit à un nouveau procès dans son pays.

Rappelons qu'Abdelmoumen Khalifa est le fils de Laroussi Khalifa, aujourd'hui décédé, qui avait exercé des fonctions diverses sous l'autorité de Boumediene. D'abord, au Maroc, il avait servi dans les renseignements du MALG ; ensuite, en Algérie, il dirigeait un temps la compagnie Air Algérie, puis il a été désigné comme ministre et enfin comme ambassadeur, avant d'être renvoyé dans ses foyers à la suite d'un scandale retentissant. Il s'était indignement fait remarquer, en effet, dans un avion israélien, au milieu des années 70, à son retour d'Asie. A l'annonce de l'escale technique que l'appareil devait effectuer en Israël, Laroussi avait laissé éclater sa colère. "Son excellence" se réclamait d'un pays en guerre contre Israël et s'opposait à l'escale. Cela lui avait valu, à l'atterrissage, de se faire arrêter, interroger et enfermer pendant trois jours par les services secrets d'Israël.