Le Point.fr - Publié le 31/03/2011 à 20:03
Source AFP
La victoire n'a jamais été aussi proche pour Alassane Ouattara, dont les partisans sont entrés à Abidjan jeudi.
Le président ivoirien reconnu par la communauté internationale Alassane Ouattara n'avait jamais, jeudi, été aussi près de la victoire : ses combattants étaient aux portes d'Abidjan et le chef des armées de son rival, le chef de l'État sortant Laurent Gbagbo, a fait défection. Abidjan, hérissé de barrages de jeunes pro-Gbagbo, était sous haute tension, la plupart des habitants préféraient rester chez eux dans la crainte d'une bataille finale dans cette métropole d'au moins quatre millions d'habitants. Et la guerre psychologique n'était pas en reste, Alassane Ouattara allant jusqu'à promettre que l'"intégrité physique" de Laurent Gbagbo serait préservée s'il se rendait, selon Ally Coulibaly, l'ambassadeur de Côte d'Ivoire en France nommé par Alassane Ouattara.
Le chef de l'ONU en Côte d'Ivoire, Choi Young-jin, a annoncé que le blocus de l'hôtel du Golf à Abidjan - qui servait de base à Alassane Ouattara depuis l'élection présidentielle du 28 novembre - a été levé jeudi. "Les 50 000 policiers et gendarmes armés ont tous quitté Gbagbo. Il n'y a que les forces spéciales de la Garde républicaine et les Cecos (commandos de forces spéciales)" qui restent, a-t-il déclaré sur France Info, précisant que les forces encore fidèles à Gbagbo sont positionnées au "palais présidentiel" et la "résidence" de ce dernier. Au quatrième jour d'une offensive éclair, alors que son rival gardait le silence, les troupes d'Alassane Ouattara présentes dans la moitié nord depuis 2002 avaient pris le contrôle de la grande majorité du pays, sans rencontrer de résistance majeure sauf dans quelques villes de l'Ouest, région natale de Laurent Gbagbo.
Défections
Depuis le début de la crise post-électorale fin novembre, qui a fait près de 500 morts selon le dernier bilan de l'ONU, Laurent Gbagbo, au pouvoir depuis 2000, a résisté aux sanctions internationales, tant politiques qu'économiques, avant que son régime ne vacille sous l'effet de la pression militaire et d'une défection de poids. Le chef d'état-major de l'armée, le général Philippe Mangou, s'est réfugié mercredi soir à la résidence officielle de l'ambassadeur sud-africain à Abidjan. D'autres généraux se sont ralliés à Alassane Ouattara, a affirmé sur la télévision France 24 son Premier ministre Guillaume Soro, exigeant que Laurent Gbagbo "parte maintenant" car Abidjan est "encerclé".
Jeudi, dans une solennelle adresse à la nation diffusée sur sa radio et sa télévision, Alassane Ouattara a appelé les militaires encore fidèles au chef de l'État sortant à rallier ses forces. "Il est encore temps de rallier vos frères d'armes des Forces républicaines. Le pays vous appelle", leur a-t-il lancé. Depuis le début de l'avancée, lundi, les troupes de M. Gbagbo, sauf exceptions locales, ont officiellement opéré vers Abidjan un "repli" tactique, mais qui avait tout l'air d'une déroute. Au fil des jours, les principales villes du pays sont tombées aux mains des combattants pro-Ouattara, souvent à bord de pick-up surmontés de mitrailleuses : la capitale politique Yamoussoukro (centre) mercredi, et jeudi, le premier port d'exportation de cacao au monde, San Pedro (sud-ouest). Des tirs à l'arme lourde ont été entendus à la mi-journée à Abidjan près d'un important camp de la gendarmerie, fidèle au président sortant. Et des rafales d'arme automatique étaient signalées par intermittences, notamment dans le quartier du Plateau, qui abrite le palais présidentiel.
Inquiétudes pour les civils
Amnesty International a mis en garde jeudi contre un risque de "violations massives des droits de l'homme" au moment où les forces d'Alassane Ouattara entreraient à Abidjan, "au bord du chaos". Les États-Unis ont réclamé aux deux camps opposés de faire de la protection des civils "leur principale priorité".
Des soldats de la force française Licorne (900 hommes) sont intervenus à la suite de pillages dans un quartier Sud de la ville où habitent des ressortissants européens, notamment français, et qui abrite de nombreux commerces. Malgré le vacillement rapide de son régime, le président sortant entretenait le mystère sur ses intentions, livrer bataille ou se retirer. À la mi-journée, la télévision d'État RTI, pilier de son pouvoir, avait assuré qu'il était "dans sa résidence" d'un quartier chic d'Abidjan.