Le président Ali Abdellah Saleh, de plus en plus contesté par le peuple yéménite, s'est fendu d'une curieuse réplique à l'adresse de ses opposants : "Je dis à ceux qui demandent aux autres de partir : c'est à eux de s'en aller, c'est aux agents stipendiés de quitter le pays".
La mémoire lui faisant visiblement défaut, le dictateur de Sanaa semble avoir déjà oublié que 52 personnes ont trouvé la mort il y a quelques jours à peine sous les balles de sa police politique lancées à partir des fenêtres surplombant la place où se déroulait une manifestation pourtant pacifique demandant simplement son départ après 32 ans de règne sans partage.
Comme si le mot lui avait été soufflé par ses frères, autres tyrans parvenus comme lui au pouvoir grâce à la fraude et aux divers trafics, Saleh s'estime, lui, investi du droit divin de conserver à vie les rênes de son pays. Pour lui, c'est donc au peuple, qui exige sa révocation, de plier bagages et d'aller chercher refuge ailleurs.
Un tel raisonnement donne, bien sûr, la mesure de l'homme, de sa culture, de son intelligence et surtout de son incompétence avérée et désormais indiscutable à diriger son pays.
Le pouvoir, une fois qu'il y a goûté, transforme trop souvent radicalement l'homme, en vérité. C'est pourquoi est-il rare de rencontrer, hors du cercle étroit des gens vraiment droits et honorables, de hauts responsables acceptant dignement de se retirer en silence des affaires et de se laisser oublier, la postérité se réservant seule le droit de les juger.