Attendus, l’un et l’autre, sur un terrain autrement plus concret, la liberté d’expression en particulier, Erdogan et Gül donnent de leur perception des choses une image bien révoltante dans un pays, qui plus est, européen et qui aspire à rejoindre la grande communauté de l’U.E. Disons plutôt qu’en islamistes convaincus ils ne peuvent déteindre sur leurs soi-disant coreligionnaires arabes et d’ailleurs qui placent, invariablement, l’islam bien au-dessus des contingences étroitement nationales ou patriotiques.
Un exemple du genre nous a été d’ailleurs clairement administré par les ex dirigeants du FIS qui s’étaient hâtés, avant même la proclamation officielle des résultats des élections législatives de 1991, d’appeler les Algériens, ceux-là même qui les avaient élus à seule fin de faire pièce définitivement au régime rétrograde et décadent de l’époque, à tirer un trait sur leur vie sociale d’avant. A les écouter, les Algériens devaient se défaire immédiatement de leurs habits occidentaux pour leur substituer la gandoura et les claquettes d’un autre âge, le hidjab ou la burka ; faisant en même temps pousser leur pilosité à son maximum, et vivre ainsi en une espèce d’anachorètes se suffisant, à l’exemple des 4000 prophètes arabes, de méditation et de culte du divin.
Le peuple turc, auquel on s’était pourtant bien abstenu de révéler, bien avant les dernières élections, que le problème du voile à l’école serait le premier à être réglé de façon aussi incongrue que péremptoire, doit lui aussi se mordre les doigts d’avoir été si abusivement trompé. Mais là, malheureusement pour lui, le tandem Gül-Erdogan n’a montré jusqu’ici qu’un petit maillon du vaste écheveau de contraintes d'inspiration islamiste qu’ils se préparent sans nul doute à mettre en place. Il comprendra alors qu’il aura été regrettablement berné par des extrémistes de l’islam, cette religion qu’un seul homme au monde, un Turc d'ailleurs, Kamal Ataturk, a définie de façon bien singulière : « L’islam, cette religion absurde d’un bédouin immoral est un cadavre putréfié qui empoisonne nos vies ». Entretemps il est à craindre que la flambée islamiste, qui continue de ravager l'Algérie entre autres, ne prenne pied en profondeur en Turquie pour saper tout le capital péniblement construit à la force du poignet par le kémalisme depuis de longues décennies.