Le Point.fr - Publié le 25/03/2011
Les accusés contestent la version de leur fédération et entendent faire appel.
Échec et mat : trois licenciés de la Fédération française des échecs (FFE) soupçonnés d'avoir organisé un système de tricherie par SMS lors d'une compétition internationale en Russie ont été sanctionnés par la FFE, une première mondiale dans cette discipline. Les joueurs Sébastien Feller et Cyril Marzolo ainsi que le capitaine de l'équipe de France Arnaud Hauchard ont été épinglés pour avoir monté un stratagème reposant sur l'envoi de messages codés indiquant les coups à effectuer à l'occasion des 39e Olympiades de Khanty-Mansiïsk, ce qu'ils contestent. "Il y a déjà eu des soupçons de triche dans les échecs, y compris envers des joueurs forts par le passé, mais il n'y a jamais eu de triche avérée. C'est la première fois que nous sommes confrontés à un tel cas", explique Laurent Vérat, directeur général de la FFE.
Grand maître international (GMI), Sébastien Feller a été suspendu durant cinq années, dont deux avec sursis, Cyril Marzolo, maître international, pendant cinq ans et Arnaud Hauchard, également GMI, a reçu un blâme avec l'interdiction d'exercer toute fonction de capitaine et de sélectionneur au titre de la fédération ou d'un club affilié à la fédération, à titre définitif. Le système qu'ils ont échafaudé reposait, selon la fédération, sur des communications par SMS : pendant que le premier jouait, le deuxième utilisait un logiciel pour trouver le meilleur coup possible et l'envoyait par téléphone et de façon codée au troisième. Celui-ci le faisait connaître au premier en se plaçant à un endroit déterminé de la salle de jeu, correspondant à une case de l'échiquier. Par exemple : s'il se mettait près d'une table décidée à l'avance il fallait jouer sur la case D3.
Un logiciel vendu dans le commerce
"Si l'information donnée par ce logiciel - qu'on trouve à 100 euros dans le commerce - parvient au joueur devant la table, il devient aussi fort qu'un champion du monde", souligne Laurent Vérat. Le stratagème aurait pu rester secret si la vice-présidente de la FFE, Joanna Pomian, ne l'avait pas mis au jour, en voyant arriver sur le téléphone portable de Cyril Marzolo le message "Magne-toi de me filer des coups", alors que l'équipe de France était au même moment en train de disputer une partie. La FFE, qui compte 55 000 licenciés, espère par ailleurs que la Fédération internationale étendra les sanctions à l'ensemble des compétitions dans le monde.
De leur côté, les accusés, qui vont interjeter appel, contestent la version de leur fédération et soulignent qu'a été relevée l'absence de preuve formelle lors de la commission disciplinaire. "Arnaud Hauchard ne comprend pas cette décision. Le rapporteur désigné par la fédération pour instruire le dossier reconnaît qu'il n'y a pas de preuve. Et les personnes présentes lors des Olympiades, notamment les autres joueurs, n'ont rien remarqué", avance son avocat, Me Anthony Bem. Me Charles Morel, conseiller de Sébastien Feller, regrette que le dossier ait été rendu public par la FFE avant que la commission disciplinaire ne se prononce : "Avec un tel maelström depuis des mois, cela devient plus compliqué de prendre sereinement une décision", dit-il. "La thèse retenue par la commission de discipline est qu'Arnaud Hauchard aurait reconnu qu'il était au courant de la triche, mais qu'il n'était pas partie prenante. Cela signifie alors que Sébastien Feller aurait reçu les messages sur son portable et qu'il les aurait consultés avec un adversaire à un mètre de lui et du monde tout autour. Cela n'a pas de sens", ajoute-t-il.
Quant aux conséquences en termes d'image, la fédération reconnaît que cette affaire peut être dommageable, mais elle insiste sur le fait que son action montre qu'elle est "irréprochable", avec l'espoir que "ce genre de pratique ne se développe pas", selon Laurent Vérat.