La marche prévue pour aujourd'hui à la place du 1er mai a été une nouvelle fois empêchée par des milliers de policiers dépêchés sur les lieux.
Très tôt le matin, la place était déjà cernée par des cordons très serrés de policiers antiémeutes faisant barrage pour interdire l'accès sur l'axe prévu pour le défilé. En son centre, des groupes de 8, 10 voire 15 ou 20 policiers s'opposaient fermement aux rassemblements de manifestants.
Certes, ces derniers n'ont commencé à arriver sur les lieux qu'à partir de 9 h - 9 h 30 par petits groupes. Parmi eux, un certain nombre s'affichaient davantage sur les trottoirs en simples curieux pour suivre les événements qu'en manifestants occupant généralement le centre de la rue Belouizdad ou les placettes proches des stations de bus et de taxis voisines.
Décidés à empêcher à tout prix les regroupements, d'où fusaient des cris hostiles au régime en place, des vagues de policiers chargèrent régulièrement les manifestants et les obligèrent à se disperser dans les ruelles voisines. Ceux-ci se reformèrent en nouveaux groupes vociférant toujours les mêmes slogans hostiles au dictateur : "
Bouteflika - Ouyahia, terroristes, voleurs"; "
On en a marre de ce régime", etc.
Des heurts sérieux ont commencé à se produire particulièrement au carrefour proche de la poste, à partir du moment où des policiers eurent un mot de trop à l'égard des manifestants : "
Ne manifestez pas ici, allez le faire chez vous en Kabylie !". Il n'en fallait pas davantage pour attiser la colère de ces derniers, au milieu desquels se trouvaient justement quelques députés RCD, dont Tahar Besbas, qui avait tenté une réplique acérée avant d'être pris en sandwich par quelques méchants policiers.
Profitant d'une bousculade, deux d'entre eux lui ont assené des coups de pied très violents. Besbas s'est aussitôt effondré, la nuque cognant contre le rebord du trottoir. Le malheureux, ayant perdu immédiatement connaissance, a dû être transporté à l'hôpital où l'on a jugé par suite son état fort préoccupant.
Le la était en même temps donné aux policiers pour user sans retenue de leurs matraques (qui ressemblaient fort à des manches de pioche) afin de disperser la foule. Les coups ont aussitôt fait des dégâts, mais il était impossible dans le désordre qui s'en est suivi de connaître avec exactitude les victimes éventuellement blessées, les manifestants ayant quitté précipitamment les lieux pour éviter les violences des policiers.
Si le vieux Ali Yahia Abdennour, de la Ligue des droits de l'homme, était du nombre des organisateurs ainsi que Bouchachi, le président de la même ligue, Saïd Sadi, le président du RCD, avait par contre brillé par son absence. Il est vrai qu'hier soir, il se trouvait encore à Paris, passant d'un plateau de télévision à un autre.
Signalons, enfin, que deux ou trois dizaines de jeunes voyous stipendiés par le pouvoir en place ont tenté durant un long moment de torpiller la manifestation par des cris à la gloire de Bouteflika, mais ils ont fini par être isolés sous la pression de la foule.