LePoint.fr - 28.01.2011
Par Pauline de Saint Remy
Dans son rapport, la commission d'enquête américaine sur la crise de 2008 pointe, non sans emphase, les responsables.
Trouver des réponses, désigner des coupables. Pour que cela ne se reproduise jamais. C'était le but du rapport très attendu de la commission d'enquête parlementaire sur les origines de la crise financière mondiale dont les États-Unis ont été l'épicentre en 2008, ordonnée par Barack Obama, sur le modèle de celle qui avait enquêté sur les attentats du 11 septembre. Et la réponse, un document de 662 pages, se veut à la hauteur du traumatisme. Sa mise en scène a quelque chose d'hollywoodien. De part et d'autre du logo estampillé "United States of America", la commission vous propose sur son site d'en savoir plus sur les dix hommes (et femmes) en colère qui ont mené l'enquête pendant un an et demi, d'accéder aux auditions des plus de sept cents témoins interrogés et des "millions de pages" de documents épluchés, ou encore de vous familiariser avec le vocabulaire de la finance : les fameux "hedge-funds", les obligations et autres "subprimes" n'auront plus de secret pour vous.
Mais le rapport était entaché, avant même sa parution, de profonds désaccords idéologiques entre les dix enquêteurs, réduisant la commission au traditionnel clivage démocrates-républicains. Seuls six d'entre eux, ceux désignés par le parti du président Obama, ont approuvé le rapport final. Trois membres républicains ont, quant à eux, publié leurs propres conclusions et un quatrième, Peter J. Wallison, en a écrit un autre lui-même, dans lequel il dénonce les politiques visant à favoriser l'accès à la propriété comme premier coupable de la crise, comme l'explique le New York Times.
"La faute ne réside pas dans les étoiles"
Les démocrates ont malgré tout rendu un verdict accablant, tant pour le pouvoir politique que pour les autorités financières, les banques, les sociétés d'assurances ou encore les agences de notation concernées : la crise était "évitable". Et de poursuivre, sur un ton quasi tragique : "Elle a été le résultat de l'action et de l'inaction de certains hommes, et pas de celle de mère Nature ou de modèles informatiques défaillants. Les capitaines de la finance et les garants de notre système financier ont ignoré les avertissements et échoué à questionner, comprendre et gérer les risques grandissants (...). Enfin, pour paraphraser Shakespeare, la faute ne réside pas dans les étoiles, mais en nous-mêmes."
Les commissaires dénoncent avant tout une régulation hasardeuse et insuffisante, des prises démesurées de risque et un manque de transparence généralisé... Et ils n'hésitent pas de viser ceux qui n'auraient pas fait leur travail correctement. La Réserve fédérale en tête, et celui qui fut son président jusqu'en 2006, Alan Greenspan. Lui est reproché notamment de ne pas avoir agi contre les subprimes, ces emprunts immobiliers risqués "La Fed est responsable de son échec déterminant à contenir le flot des prêts toxiques", peut-on lire. Goldman Sachs, les trois agences de notation Moody's, Standard and Poor's et Fitch, mais aussi le géant de l'assurance AIG sont, entre autres, dans le collimateur. Tout comme la commission de Sécurité et d'Échange, "qui aurait pu freiner les pratiques risquées des grandes banques d'investissement", selon eux. Les responsables politiques ne sont pas non plus épargnés, eux qui auraient pu "stopper le train" en feu...
Examen de conscience
Les membres de la commission font enfin leur propre bilan, pour mieux expliquer leur démarche. Et le ton n'en est pas moins grandiloquent : "Notre mission était de poser cette question centrale et d'y répondre : comment a-t-on pu en arriver au point que notre pays soit obligé de choisir entre deux alternatives pénibles et douloureuses - celles de risquer l'effondrement complet de notre système financier et de notre économie, ou celle de devoir injecter des milliards de dollars de nos contribuables dans le système et dans un certain nombre d'entreprises, alors même que des millions d'Américains ont perdu leur travail, leurs économies et leur maison ?"
En publiant leurs conclusions sous la forme d'un livre accessible sur Internet, les commissaires espèrent faire participer le peuple américain à leur réflexion, à qui ils estiment devoir rendre des comptes. "Ce rapport ne doit pas signer la fin de notre examen de conscience", écrivent-ils. Il ne signe en tout cas certainement pas la fin du débat.