Jean-Marc
Nombre de messages : 301 Date d'inscription : 13/07/2007
| Sujet: Dassault broie du noir Jeu 9 Déc - 22:36 | |
| L'unique avionneur privé de taille remarquable en France, voire en Europe, est sans conteste l'entreprise Dassault, du nom de son fondateur Marcel Dassault, de son vrai nom Marcel Bloch. Pendant plus de cinquante ans, l'entreprise a fait fortune dans la construction d'aéronefs militaires, souvent bien prisés par nombre d'armées européennes et étrangères. Il est vrai que Dassault, qui active dans les technologies de pointe, offre dans nombre de cas des appareils hautement performants, qui présentent cependant le défaut d'être toujours excessivement chers. Certes, pour bénéficier de la technologie de pointe, les clients savent pertinemment qu'il faut y mettre le prix, la protection et la défense d'un pays restant des facteurs jamais rédhibitoires. Mais un avion militaire qui reste, tout compte fait et par-delà ses qualités exceptionnelles, un produit industriel qui se démode rapidement, il est rare que des gouvernements sérieux et conscients de leurs responsabilités affectent au budget de la défense aérienne plus que ne leur offrent leurs propres moyens. C'est dans un tel ordre d'idées que les États ont repoussé l'un après l'autre le démarchage de Dassault, dût-il même être soutenu par l'État français, pour placer chez eux le Rafale, un avion sans doute perfectionné mais vraiment hors de prix et donc non concurrentiel sur le marché. Aujourd'hui Dassault, qui n'a pas vendu un seul Rafale à l'étranger ne peut prétendre poursuivre de nouvelles études pour mettre au point un nouvel avion encore meilleur. Son horizon est donc bouché de ce côté-là et ses perspectives réduites à peu de choses, comme la construction de drones, un petit joujou se vendant sous forme de gadget aujourd'hui. Et si la situation devait perdurer, c'est tout l'avenir de l'entreprise qui en serait affecté inexorablement. Le Point rapporte à ce propos une analyse de l'état des lieux faite par le PDG de Dassault qui est fort instructive, même si, en toile de fond, le sort lui-même de ce PDG est en cause. Voici le papier publié :
******************************************************************************** Le P-DG de Dassault broie du noirLe Point - 9.12.2010 par Jean Guisnel Depuis dix ans, Dassault n'a pas exporté un seul avion militaire neuf. La situation fragilise Charles Edelstenne, qui veut renouveler son mandat. Alors que le premier contrat export du Rafale est repoussé aux calendes... brésiliennes, il est bien clair que c'est une mauvaise nouvelle pour Dassault. Sans aucune vente à l'étranger d'avion d'armes neuf depuis plus de dix ans, alors que l'économie du Rafale avait été en bonne partie bâtie sur cette perspective, la situation est inquiétante, voire dangereuse. D'autant plus qu'aucun projet d'avion de nouvelle génération n'est à l'ordre du jour en France ou en Europe, ce qui laisse le bureau d'études de Dassault reposer sur les seules perspectives de drones d'observation et de combat. Or, si l'avionneur national n'a jamais perdu de compétence dans le domaine des avions pilotés militaires, il ne s'est que tardivement intéressé aux drones, dont le marché mondial est capté depuis vingt ans par les États-Unis et Israël. Dans ce contexte, il est utile de relire le discours de clôture que Charles Edelstenne, P-DG de Dassault Aviation, avait prononcé aux universités d'été de la Défense, le 14 septembre dernier, à Marseille. Il vient d'être publié dans les actes de cette rencontre. La situation que dépeint Edelstenne est vue d'un oeil très noir, pessimiste et extrêmement critique sur l'absence de politique européenne de défense. Il dénonce les pays européens qui prennent part au projet américain de chasseur polyvalent de Lockheed Martin, F-35 Lightning II, à savoir le Royaume-Uni, l'Italie, les Pays-Bas, le Danemark et la Norvège : "Toujours indigents dans la défense, [ils] financent le développement à hauteur de 5 milliards de dollars, c'est, pour mémoire, 80 % du coût de développement du Rafale. En investissant dans la R&D américaine, sans espoir de retour technologique, c'est la capacité future de l'Europe à développer en propre un avion de combat qui est visée." Un mauvais présageCharles Edelstenne écrit justement que "le risque de disparition de nos compétences n'a jamais été aussi fort". Or, il refuse l'idée d'une "consolidation" des industries aéronautiques et de défense européennes, sur le modèle qui a produit EADS. Il emploie des mots fermes : "Pour qu'il y ait des consolidations, il faut des catalyseurs (...). Ce sont les programmes. Or, il n'y a pas de nouveau programme structurant en Europe. Ces consolidations dans leur dimension transnationale se heurtent au naturel patriotisme des États et des peuples. Ce type d'opération ne réussit que s'il y a un pilote dans l'avion. Un dominant et un dominé." On se demande bien quel nom d'industriel dominant le patron de Dassault a en tête, lui qui se trouve également en position de décideur chez l'électronicien Thales... Toujours est-il qu'à ses yeux l'Europe de la défense n'est pas une solution : "Les budgets sont anémiques, les programmes structurants inexistants, l'interdépendance industrielle ne progresse pas, l'agence de défense européenne pose des règles favorisant la dissémination du savoir et les duplications industrielles." Bref, un coup de gueule lancé en septembre qui prend un relief particulier après l'annonce brésilienne. Car, sans contrat export pour le Rafale, l'enviable position de Dassault risque de se détériorer sérieusement. Après des décennies de prospérité insolente et de succès considérables à l'exportation de tous ses modèles militaires et civils confondus, l'exception Rafale est un mauvais présage. D'autant plus que les conditions offertes au Brésil par la France - comme elles l'avaient été en 2007 au Maroc - étaient de celles qui ne se refusent pas : transferts de technologie massifs, lignes de crédit généreuses, etc. Pour Charles Edelstenne, le cap va être difficile à franchir. Le pilote - lointain, mais bien réel - de Dassault demeure Serge, le fils du fondateur. Il est né en 1925. Charles Edelstenne, le copilote, fait bambin à côté du patriarche : il n'a que 72 ans. Il voudrait prolonger son mandat de P-DG, mais les statuts de l'entreprise le limitent à 75 ans, âge auquel Serge Dassault avait dû quitter ses fonctions officielles. Il faut donc les changer, mais cette évolution nécessite une majorité des deux tiers des votes au conseil d'administration, où EADS détient 46 % des droits de vote. Conclusion : c'est Louis Gallois, le P-DG d'EADS, qui décidera si Edelstenne pourra bénéficier d'un report de la limite d'âge à 80 ans. Pour l'instant, il traîne les pieds. Jusqu'à quand ? | |
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