Dassault lance un Falcon low cost

Lepoint.fr - 18.05.2011
Par Thierry Vigoureux

L'aviation d'affaires, qui tient salon à Genève, peine à sortir de la crise. Les constructeurs proposent de nouveaux modèles souvent moins chers.




Parce qu'elle s'estime noyée parmi les centaines d'avions et les milliers d'exposants du Salon du Bourget, l'aviation d'affaires tient sa propre manifestation chaque printemps à Genève, au bord de l'aéroport de Cointrin. Un rendez-vous qui se tient jusqu'à jeudi et qui est considéré comme l'équivalent européen de la NBAA, la grand-messe américaine du bizjet, qui aura lieu cet automne à Las Vegas.

Comme l'ensemble du secteur, Dassault Aviation espère tourner le plus rapidement possible la page de la crise qui a touché cette industrie plus tard que le reste de l'économie. L'avionneur français accuse un décalage au redémarrage, même si les annulations de commandes se font de plus en plus rares, il y en a eu 63 en 2009 et 9 l'an dernier. Heureusement, le carnet de commandes joufflu permet de poursuivre un bon niveau de livraisons avec 70 appareils cette année. Ainsi, le Falcon 2000S, le nouveau-né qui vient d'être lancé et qui affiche déjà une vingtaine de commandes. C'est, en caricaturant, un Falcon "low cost", un produit d'entrée de gamme vendu à partir de 20 millions de dollars contre plus de 40 millions de dollars pour le fleuron, le Falcon 7X. L'avion a été imaginé il y a près de deux ans en pleine crise mondiale. "Si on ne développe pas pendant les périodes difficiles, on arrive après la bataille quand l'économie repart", explique le P-DG de l'avionneur français Charles Edelstenne, qui a demandé à ses équipes de rationaliser et de standardiser au maximum ce biréacteur dérivé du Falcon 2000 lancé en 1989.

Pas de cabine sur mesure

Le "low cost", conjugué par Dassault, consiste, en effet, à en offrir plus pour à peine plus cher. À partir d'une plate-forme déjà amortie, optimisée avec les contraintes de consommation de carburant d'aujourd'hui, Dassault Aviation sort un avion équipé de toutes les options généralement demandées par les clients. Comme on le constate aussi dans l'industrie automobile, les proposer en série coûte finalement moins cher à l'acheteur. De son côté, le constructeur peut rationaliser ses chaînes et jouer sur ses coûts en commandant en plus grande quantité aux fournisseurs. Autre différence, véritable rupture culturelle avec le coûteux sur-mesure des avions d'affaires classiques, seulement trois choix d'intérieur de cabine sont proposés sur le 2000S. Les coûts de production sont ainsi minimisés et peuvent rivaliser avec la concurrence, le Gulfstream G250, le Bombardier Challenger 300 et le Hawker 400.

L'hélicoptère revu par Mercedes

Eurocopter s'inspire aussi du marketing automobile en proposant l'EC145 "Mercedes-Benz Style". L'hélicoptère est bien connu. C'est celui aux couleurs bleu marine ou jaune qui équipe en France la gendarmerie ou la sécurité civile. Le constructeur l'a personnalisé avec le bureau de design Mercedes-Benz, qui a fait appel à des matériaux précieux, des boiseries élégantes, un éclairage ambiant de la cabine ainsi qu'à des coffres multifonctions. Au tarif catalogue, il apparaît à 6,2 millions de dollars avec toutes les options, guère plus que la version de base à 5,8. À Genève, parmi les trois premiers clients de cet EC145, on trouvait Nuray Karalar, une élégante jeune femme, ancien mannequin. Plus jeune millionnaire turque, elle va l'utiliser pour se déplacer entre les différents sites du groupe industriel Havacilik qu'elle dirige.

Le marché américain

Contrairement à Dassault et à Eurocopter qui s'attendent à recruter la moitié de leurs clients en Chine ces prochaines années, Daher-Socata propose un avion qui peut être piloté par son propriétaire, ce qui n'est pas (encore) dans la culture asiatique, qui découvre l'aviation d'affaires. Ainsi, Daher-Socata construit à Tarbes le TBM 850, un monoturbopropulseur de six places dont les performances lui permettent de desservir l'Europe depuis près de quatre cents aérodromes français, pistes en herbe comprises. Une décoration spéciale de la quarantaine d'avions livrés cette année rappellera qu'au fil des fusions-acquisitions Daher-Socata est devenu le descendant de Morane-Saunier, centenaire en 2011. Le constructeur, qui vend l'essentiel de sa production outre-Atlantique, doit décider d'ici à la fin de l'année le lancement d'un biréacteur de huit places utilisable comme le TBM 850 depuis des pistes courtes et rustiques. Mais cette fois, l'avion serait construit en composite, et non plus en alliage léger, ce qui implique un redéploiement important dans l'entreprise.