L’or noir est-il un soporifique ?

Nombre de pays pétroliers, malgré l’amélioration sensible de leurs revenus depuis la fameuse crise de 1973 qui avait succédé à la guerre du Kippour, continuent aujourd’hui encore de végéter au sein de la seconde moitié, la plus défavorisée, du tiers-monde, voire du quart-monde.

Certes, on trouve autant de produits de luxe en Arabie saoudite, au Koweit, en Iran, au Nigéria ou en Algérie que dans les pays occidentaux les plus avancés, on peut rencontrer aussi d’excellentes infrastructures flambant neuf ici ou là pouvant rivaliser avec d’autres comparables en Europe ou aux USA, mais la valeur de l'homme, la qualité de sa vie n’ont rien de ressemblant dans l’une et l’autre sphères.

Bien que le niveau de vie soit peut-être très élevé, notamment dans les déserts d’Arabie, qui produisent la partie la plus importante de la consommation de pétrole mondiale, rien ne permet d’aligner le Saoudien ou l’Emirati sur le même plan que l’Européen, à tous les points de vue. Culturellement, scientifiquement, techniquement, socialement, ce dernier dépasse, et de loin, les autres d’une bonne longueur que l’argent seul ne permet pas de rattraper. Et d’ailleurs, si, par extraordinaire, on venait à leur fermer leurs puits de pétrole, le Saoudien et l’Emirati reprendraient assurément leur vie de bédouins errant à travers les sables pour s’abandonner à leurs occupations favorites, la macération. En revanche, le constat est là, manifeste, qui démontre que l’Allemand ou le Japonais, ruinés l’un et l’autre totalement en 1945, l’espace de quelques années, ont remonté la pente avant de se retrouver aujourd’hui au peloton de tête des nations les plus industrialisées et les plus avancées dans tous les domaines.

Ce qui est cependant grave, c’est qu’en n'ayant pas su et voulu tirer profit de cette manne pétrolière, pourtant passagère, qui leur permet sans faire d’effort de disposer de ressources suffisantes pour s’engager dans un projet de développement viable et bénéfique pour leur peuple, les pays pétroliers du tiers-monde ratent définitivement leur chance.

A cause de ce soporifique, qui, pour les tenants du pouvoir, leur assure plutôt la richesse pour l’éternité, ces derniers en viennent jusqu’à perdre de vue que le pétrole n’est pas leur bien propre et qu’ils ont eux-mêmes des responsabilités dont ils répondront un jour devant l’histoire.

Dans cet ordre d’idées, un reportage publié par Le Figaro du 13 juillet dernier décrit avec force détails la situation déplorable dans laquelle vivent des millions de Nigérians, tout particulièrement du sud.

Les revenus pétroliers n’ayant en rien bénéficié à ces populations désœuvrées, pour ne pas dire abandonnées à elles-mêmes dans le dénuement le plus complet, des bandes armées se sont constituées ces derniers temps pour vivre de piraterie. A bord de leurs speedboats très rapides, ces voyous s’attaquent à des étrangers, travaillant pour le compte des compagnies pétrolières opérant sur les lieux, qu’ils enlèvent sous la violence, avant d’exiger des rançons de leur employeur. Deux cents ressortissants étrangers ont ainsi été kidnappés et leurs compagnies rançonnées en contrepartie de leur libération.

La misère s’étant emparé des habitants, qui ne trouvent plus rien sur les étals des marchés, la violence sous toutes les formes fait aujourd’hui force de loi dans la région.

Bien sûr, les étrangers vivent royalement dans le pays, gardés et escortés par des vigiles armés. Ils restent distants des populations, ne s’intéressant qu’à leur travail de soustraction de pétrole.

Le pouvoir, lui, toujours aussi corrompu que son prédécesseur, mène le pays à sa manière, celle de potentats classiques qui ont leurs sosies au Gabon, au Congo Belge, en Algérie, et ailleurs.

Une enquête menée par le New York Times et le centre de recherches Pew, de Washington, révèle que parmi les dix pays d’Afrique subsaharienne sondés, Sénégal, Côte d’Ivoire, Mali, Ouganda, Ghana, Kenya, Nigeria, Afrique du Sud et Tanzanie, seuls les Tanzaniens et les Ghanéens paraissent satisfaits des avancées de démocratie dans leur pays. A l’inverse, les Ethiopiens et les Nigérians sont mécontents de leur sort.

67 % de ces derniers considèrent que les dernières élections présidentielles tenues en avril dernier ont été truquées. A 80 %, ils estiment que les revenus du pétrole ne profitent qu’à une certaine catégorie de citoyens.

A l’unanimité des pays sondés, les nationaux dénoncent la corruption au niveau de leurs dirigeants.

A côté des problèmes de malvie, il y a le fléau du sida, tout particulièrement, qui ravage l’ensemble de ces pays, à des degrés plus ou moins élevés. Le plus préoccupant est que les personnes sondées ignorent si elles sont atteintes du virus, refusant en grand nombre de passer le test.

Sur un autre plan, nombreux sont ceux qui se trouvent insatisfaits de l’enseignement prodigué à leur progéniture.