Douche froide pour le Premier ministre Ouyahia à l'Assemblée nationale

Ouyahia qui s'attendait sans doute, comme à l'ordinaire, à être acclamé par nombre de députés béni-oui-oui à l'occasion de la présentation de son bilan de politique générale, aura été vraiment déçu.

Pris à partie, lundi, par les députés du RCD qui lui ont crié haut et fort toutes leurs objections face aux dénis de justice, à l'incompétence, à la gabegie et la corruption qui marquent son règne qui s'éternise à la tête du gouvernement, il était réduit au silence, un silence que même ses propres partisans ne pouvaient rompre sans s'attirer des huées dans la salle.

L'estocade qui lui a été assenée ensuite par Mohamed Hadibi, le chef du groupe parlementaire d'En-Nahda, parti islamiste, l'a replacé davantage encore dans ses petits souliers.

À quoi bon de nous gargariser d'une montagne de chiffres invérifiables qui vantent de soi-disant réalisations de l'État quand la réalité cinglante vous interpelle sur votre échec devant le combat contre la corruption qui gangrène l'ensemble des rouages de l'administration publique, face au développement du pays toujours remis aux calendes grecques et au chômage qui handicape la jeunesse ? lui a-t-il objecté.

Plus loin encore, le député a tancé le Premier ministre, en lui rappelant le chiffre astronomique de 286 milliards de dollars qu'il faut prélever sur le budget de l'État pour financer les surcoûts de projets déjà lancés mais mal calculés, ce qui démontre amplement l'incompétence des responsables qui sont chargés de leur gestion. Il lui a aussi fait remarquer le piteux état dans lequel se trouve l'économie nationale obligée d'importer annuellement 50 milliards de dollars de produits essentiellement alimentaires. Enfin, dans le domaine des libertés publiques, il s'est inquiété de la fermeture des médias publics qui continue d'être lamentablement opposée aux aspirations les plus légitimes du peuple.

Pour terminer, enfin, l'élu islamiste s'est interrogé sur le silence manifestement lourd que continue étrangement d'observer l'administration dirigée par Ouyahia dans les questions de dilapidation des deniers publics au lieu de traduire les coupables devant les tribunaux.

S'agissant de l'intervention de Boubekeur Derguini, chef du groupe parlementaire du RCD, nous avons une dépêche de TSA qui l'a résumée.

« Vous avez jugé inutile de présenter vos excuses à l’assemblée pour le retard de six mois mis pour présenter la déclaration ; vous avez même tenté d’entretenir un amalgame sur les délais de présentation de la déclaration de politique générale, puisque vous faites référence à 18 mois d’exercice », a dit Zerguini à l'adresse d'Ouyahia, lundi, avant d'ironiser : « Il est vrai que lorsqu’on attente à la constitution, l’Assemblée passe pour un détail ».

Très offensif, le député du RCD a encore marqué un autre point aux dépens du Premier ministre : « Je dois vous rappeler que vous vous êtes engagé à ce que les membres du gouvernement présentent une évaluation de toutes les lois adoptées. Or, à ce jour aucune évaluation n’a été faite. »

Le député du RCD a également dénoncé, écrit TSA, les « prétendus » rapports établis par les commissions permanentes et envoyés au gouvernement dans « le secret » et ne reposant sur aucun texte légal, de même que le refus du gouvernement de répondre aux questions écrites des députés dans les délais impartis par la loi. Sur un autre registre, il s’est interrogé sur la crédibilité de la réactivation de la Cour des comptes lorsqu’on sait qu’elle est exclue du contrôle de la banque centrale par où transitent tous les flux financiers publics.

À l’Assemblée nationale Ouyahia a de nouveau été l’objet d’attaques directes des députés du RCD qui l’ont malmené devant sa majorité gouvernementale et ses ouailles du RND réduites toutes au silence tant les pointes envoyées étaient précises, directes et ne souffrant d’aucune ambiguïté. « La question que pose votre bilan est triple. Comment peut-on accepter d’être un Premier ministre alors que la coordination de l’Exécutif est confisquée par le chef de l’Etat depuis le putsch constitutionnel que vous avez appuyé ? Comment peut-on accepter d’être à la tête d’un gouvernement à trois reprises et mener des politiques à chaque fois opposées l’une à l’autre ? Comment accepter d’être Premier ministre si longtemps sans stratégie ni projet de développement ? » lui a fait observer le député Athmane Mazouz, chef du groupe parlementaire du RCD. « Vous avez la médaille mondiale de la versatilité. Vous le savez, nous sommes à l’opposé de ces conceptions et l’objectif de notre combat est de libérer la nation de ces errements moraux et ces improvisations politiques », lui a encore assené Mazouz.

Évoquant ensuite l’affaire Gharbi qui a défrayé la chronique après la condamnation à mort confirmée en appel de l’accusé, le député du RCD s’est montré plus incisif en mettant en cause le président de la République au même titre que le Premier ministre dans le verdict prononcé. « Devant cette assemblée, qui n’aura pas l’audace de vous le dire, je dois vous rappeler cette forfaiture : Mohamed Gharbi, ancien officier de l’ALN, qui a combattu l’armée coloniale et récemment les groupes terroristes qui semaient mort et désolation, vient d’être sacrifié et croupit dans vos prisons. Là aussi, votre choix et celui du chef de l’Etat est fait. On sacrifie le patriote et combattant de l’ALN et on honore le chef terroriste », a-t-il souligné.

Rappelons que Mohamed Gharbi, ancien membre d’un groupe d’autodéfense contre les terroristes islamistes a exécuté par arme à feu un ancien chef terroriste repenti qui le menaçait de mort. Or, en vertu de la loi dite de réconciliation nationale, tout repenti est placé sous la protection de l’État qui poursuit toute personne tentant de lui porter atteinte. Jugé par le tribunal de Guelma, Gharbi a été condamné à la peine capitale, peine confirmée en appel.