Bouchareb réalisateur du film "Le hors-la-loi" aurait plagié le scénario

Farid Afiri et Philippe Roques, auteurs originaux - du moins, le prétendent-ils -, du scénario du film "Le hors-la-loi" réalisé par Rachid Bouchareb, ont assigné ce dernier devant le tribunal de Paris pour plagiat, en lui réclamant chacun une indemnité de 750 000 € ainsi que le retrait du film de la distribution commerciale, annonce une dépêche de l'AFP.

Des analogies troublantes de nombreuses scènes du film avec l'œuvre des plaignants auraient attiré l'attention de l'un de leurs amis ayant assisté au visionnage du film, dont la sortie en salles est prévue pour le 22 septembre prochain.

Pour l'avocat des supposés plagiaires, Bouchareb et le co-scénariste Olivier Lorelle, il n'y aurait là qu' "une procédure abusive", les éventuelles ressemblances restant tout simplement fortuites.

La 3è chambre civile du tribunal de Paris tranchera le 12 octobre prochain.

Les pillages de scénarios sont en vérité monnaie courante dans le monde du cinéma. Malgré toutes les précautions prises pour protéger une œuvre en gestation, de nombreux petits malins s'insinuent toujours dans les rouages pour piquer l'idée ou l'histoire à son auteur. Parfois, l'escroquerie est réalisée dans la phase de finalisation quand, pour les besoins de connaître l'avis d'un ami ou d'une relation, le scénariste est amené à lui confier le texte. Avec les procédés de la photocopie sinon de l'enregistrement direct sur une disquette ou une clé USB, aussi rapides qu'efficace l'un comme l'autre, il n'est besoin que de quelques minutes pour disposer d'une copie rigoureusement conforme à l'original.

Dans d'autres cas, c'est au niveau de la prospection chez les producteurs, les réalisateurs, les metteurs en scène, etc., que les fuites s'opèrent, sans la moindre chance bien souvent de pouvoir coincer à temps le plagiaire.

D'ailleurs, même le dépôt entre les mains des organismes chargés des droits d'auteurs ne prémunit pas toujours contre les escroqueries, là où il suffit parfois de changer la structure de quelques scènes, les dialogues, etc., pour rendre plus difficile encore le constat du plagiat.

Dans le cas du film "Le hors-là-loi", il est de toute évidence très simple d'établir ce constat, l'histoire elle-même constituant sa trame étant étroitement liée à des événements réels, historiquement vérifiables.

Dans le Journal du dimanche à paraître demain, Rachid Bouchareb dément avoir plagié l'œuvre des plaignants.

Il déclare que son film retrace tout simplement sa propre vie personnelle ainsi que celle de sa famille et qu'en aucun cas il n'y a eu plagiat.

"Je n'ai jamais lu le scénario de ces deux personnes. Je ne les ai jamais rencontrées non plus. Toute la matière qui existe dans Hors-la-loi fait d'abord partie de l'Histoire avec un grand H. Quant à la "petite" histoire, elle est née au moment de l'écriture d'Indigènes en 2003-2004, premier volet d'une trilogie", a-t-il ajouté.

Mais les plaignants assurent, et c'est là le hic, avoir envoyé en 2006/2007 le synopsis de leur scénario à Jean Bréhat, le producteur précisément du film "Le Hors-la-loi".

A son tour, le producteur dément le plagiat, en estimant que le succès de son film a fait naître des appétits...

Le synopsis n'étant qu'un résumé succinct ou même consistant du scénario, rien n'indique qu'il n'aurait pas inspiré la création du scénario retenu pour le film produit. Il appartient au tribunal de trancher...

La projection en avant-première, lundi 21 septembre, de ce film à Marseille a donné l'occasion à des dizaines d'extrémistes du F.N., des harkis et des pieds-noirs de fustiger les responsables régionaux qui ont fait financer partiellement la réalisation de ce film. Regroupés autour de banderoles condamnant le « Financement français pour un film anti-français », ils ont exprimé leur colère en traitant lesdits responsables de "collabos".

Les séquences consacrées aux massacres de Sétif, en mai 1945, déjà jugées dérangeantes lors de la sortie du film au Festival de Cannes de juin dernier continueront sans doute d'alimenter la polémique déclenchée par le député UMP Luca qui s'échine depuis des semaines déjà à jeter le discrédit sur un témoignage, pourtant fort bien timide en vérité.

Comparées aux scènes du documentaire présenté mardi ou mercredi dernier par France 2 sur le même sujet, celles de "hors-la-loi" paraissent plutôt mièvres. Il va sans dire que Luca et ses amis n'ont d'autre alternative que celle de fermer leur bec désormais, tant la vérité des atrocités imputées aux généraux Martin, Duval et surtout de Gaulle, chef du gouvernement d'alors, ne souffre d'aucun commentaire.

Ce documentaire n'a pas d'ailleurs comme seul mérite de montrer des images insoutenables, incriminant directement l'armée française que chacun eût souhaité voir montrer ses forces devant l'Allemagne hitlérienne et non devant un peuple soumis, en guenilles, affamé et désarmé, mais aussi de donner en toile de fond l'image réelle et crue du soi-disant illustre Charles de Gaulle, que les Algériens rendent premier responsable de la mort gratuite et lâche de dizaines de milliers de leurs concitoyens.

A coup sûr, ils garderont pour l'éternité le plus odieux souvenir d'un homme qu'ils avaient pourtant vénéré à tort des décennies durant.

Des incidents récurrents continuent de marquer, en France, la projection de ce film, qui semble beaucoup déranger l'extrême droite et surtout nombre de nostalgiques de la défunte Algérie française se revendiquant des milieux pieds-noirs et harkis.

Ainsi, un vieil homme de 68 ans, qui a menacé de violences un cinéma qui projette ce film, a été même présenté devant un tribunal et s'est vu condamné à trois mois de prison avec sursis.

Ainsi, "Des individus qui n'ont pas été vus ont déposé des bouteilles de produits ménagers comme de l'ammoniaque dans la salle", entraînant, hier soir, l'arrêt de la projection et l'intervention de la police et des pompiers, sans autre conséquence, a déclaré à l'AFP une responsable du cinéma Mégarama du centre ville de Bordeaux.

Pour ces contestataires, le film présente une version falsifiée de l'histoire, tandis que, en réalité, il n'aborde que timidement encore les violences extrêmes qui ont marqué la répression sanglante, par l'armée française et les milices de pieds-noirs, des populations algériennes de souche à Sétif et ses environs. Et tout cela s'est fait, bien sûr, avec la bénédiction de Charles de Gaulle, chef du gouvernement à l'époque.

"Ce film est aujourd'hui le symbole médiatique et subventionné de l'immigration invasion et de la trahison des élites politiques acquises à la version de l'Histoire d'un ennemi, qui n'a, lui, rien renié, rien amendé, rien regretté du sort des pieds-noirs et des harkis assassinés, torturés et exilés de leur propre terre", proclame, dans un communiqué, le groupe revendiquant l'action de Bordeaux, au nom de l'Organisation de l'Aquitaine secrète, dont les initiales forment le sigle OAS, organisation criminelle de triste mémoire qui avait ensanglanté l'Algérie à la veille de son indépendance.

Sans nul doute, il faut s'attendre à de nouvelles démonstrations déshonorantes de ces revanchards d'un autre âge. Ce qui est dommage, c'est que le film ne restitue qu'une faible part de la vérité cruelle de Sétif en 1945.

Après avoir visionné le film et lu le scénario d'Afiri intitulé "Sparring Partners" et supposé être plagié, la 3è chambre civile du tribunal de grande instance de Paris n'a pas été convaincue du bien-fondé de plagiat reproché et a donc débouté les demandeurs.

Pour les magistrats "il s'agit là de deux histoires extrêmement différentes, couvrant deux périodes distinctes et n'ayant pas le même thème".

Farid Afiri et son co-scénariste Philippe Roques qui croyaient avoir décelé 70 points de similitude entre leur œuvre et celle de Bouchareb se seront donc trompés.

Au cinéma, il est difficile, en vérité, de déceler le plagiat, à moins, pour le plagiaire, de céder à l'extrême facilité consistant à recopier in extenso des scènes du scénario original qu'il peut trouver incontournables s'il vise à créer une œuvre qui lui soit étroitement comparable. Auquel cas, oui, il est possible et facile de démonter la mécanique du plagiat que l'on peut encore prouver par la datation plus vieille de l'oeuvre originale.

Dans le différend présent, il est possible que Bouchareb et son scénariste se soient inspirés par traits très vagues de Sparring Partners pour donner une forme crédible à leur propre histoire souffrant peut-être de quelques lacunes ou insuffisances criantes, mais la comparaison n'a pas dû se poursuivre puisque le tribunal n'a rien relevé qui milite dans cette direction.