Salah Goudjil, ancien ministre du gouvernement Chadli, intervient à propos du colonel Mohamed Lamouri, de l'ex wilaya I historique, exécuté par le GPRA, dans le cadre de l'affaire appelée "le complot des colonels".
Il défend sa mémoire, d'autant qu'il reconnaît avoir été lui-même partie prenante dans l'action reprochée à cet officier.
Daho Ould Kablia, dans sa réplique à Sadi au nom du MALG dont il se dit président de l'association de ses anciens cadres, avait en effet épinglé le colonel Lamouri, en rappelant son exécution.
Voici donc le propos de Goudjil, tel que reproduit dans le journal Le Soir d'Algérie d'aujourd'hui.
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A PROPOS DU COLONEL MOHAMED LAMOURISalah Goudjil répond à Daho Ould Kablia
L’Association des anciens cadres du MALG vient de publier, dans les colonnes de la presse nationale, un commentaire circonstancié consacré au livre que le Dr Saïd Sadi a récemment rédigé pour évoquer la mémoire du colonel Amirouche, chef disparu de la Wilaya III.
Ce commentaire, signé par le président de l’Association des anciens cadres du MALG, M. Dahou Ould Kablia, comporte une malheureuse digression qui porte atteinte à la mémoire du colonel Mohamed Lamouri, et à celle de ses compagnons de lutte emprisonnés et jugés avec lui, lors de ce qui est désigné, par euphémisme, «Complot des colonels».
Certes, les auteurs du commentaire ont-ils été prévenants en mettant entre guillemets la polémique inattendue soulevée par le livre du Dr Saïd Saâdi et l’épisode, improprement, appelé « Complot des colonels ».Certes, ces mêmes auteurs ont-ils justifié la chose par leur souci d’éclairer l’opinion publique sur le climat interne auquel était confronté le GPRA à l’époque de la mort du colonel Amirouche.
La tonalité par laquelle le commentaire évoque la personnalité du colonel Mohamed Lamouri et ses compagnons reste, cependant, empreinte de désinvolture. Peut-on se permettre ce ton de désinvolture en évoquant le souvenir de valeureux et héroïques combattants de l’ALN ? Le jugement désinvolte qui transparaît de la citation de cet épisode douloureux de l’histoire nationale dans le commentaire sus-indiqué nécessite, incontestablement, une mise au point.
Une mise au point qui porte, d’abord, sur la méthode. De toute évidence, le président de l’Association des anciens cadres du MALG et ses compagnons s’appuient, pour se livrer à ce jugement péremptoire, sur la seule version léguée par le GPRA dans ses archives. Il est normal que le GPRA porte un jugement sans nuances sur des protagonistes qu’il a, impitoyablement, combattus et qu’il sait chargés de légitimité historique et de charisme militaire. Il eût été souhaitable que l’évocation de cet épisode, près d’un demi-siècle après les faits, comporte le recul nécessaire et, plutôt que de délivrer un jugement désinvolte, s’efforce de revisiter l’Histoire avec un regard serein, débarrassé des accusations sentencieuses et reposant sur des sources contradictoires, notamment des documents authentiques détenus par d’autres structures que le GPRA ainsi que les témoignages irréfragables des protagonistes encore en vie de cet épisode. Il aurait été facile, dans ces circonstances, de constater qu’il n’y eut rien de «subjectif» ou de «partisan» dans les doléances des martyrs imprudemment évoqués avec un ton de légèreté.
Exiger, en effet, que la réunion du CNRA se déroule aux frontières, au milieu des combattants de l’ALN et non dans la capitale égyptienne, c’est une doléance partisane ? Demander, en effet, des éclaircissements sur la mort de Abane Ramdane, c’est une doléance subjective ? Une mise au point qui porte, ensuite, sur des considérations d’ordre moral. Sans douter de la bonne foi de M. Dahou Ould Kablia et de ses compagnons, il faut tirer prétexte de leur incorrection, ou à tout le moins de leur erreur, pour rétablir la vérité sur cet épisode important de l’histoire de la guerre de Libération nationale.
Il faut bien mettre en évidence, d’une part, que les protagonistes de ce supposé complot étaient des figures emblématiques de l’ALN. Jugez-en car il ne s’est agi pas moins que des colonels Mohamed Lamouri et Ahmed Nouaouria, chefs successifs de la Wilaya I, du colonel Mohamed Aouachria chef de la Base de l’Est et du commandant Mustapha Lakhal, figure légendaire du commando Ali-Khodja.
Leur combat, d’autre part, jusqu’aux conditions tragiques de leur mort sur le sol tunisien, loin de renvoyer à un vulgaire complot, témoigne, au contraire, d’une profonde détresse vécue comme une déchirure probablement, par de prestigieux chefs de guerre excédés par le comportement des membres des organes dirigeants de la Révolution. Il suffit de savoir, pour se convaincre de la probité exceptionnelle du colonel Mohamed Lamouri, que celui-ci, avec une grande dignité, a préféré mourir des mains de ses compagnons que d’accepter la protection que lui offrait le président Bourguiba dès lors qu’il fut convaincu qu’il s’agissait d’une liquidation d’un contradicteur, pas celle d’un comploteur.
S’il est normal que les versions contradictoires sur cet épisode puissent exister, il n’est pas tolérable, cependant, que, par une évocation tronquée, ces valeureux officiers de l’ALN jugés et condamnés par le GPRA dans des conditions sujettes à caution soient cités et traités comme d’obscurs mokhaznis ou de sinistres supplétifs. Il faut rendre hommage au président Chadli Bendjedid, à cet égard, lui le premier chef de l’Etat a avoir rétabli dans leur honneur ces officiers défunts en procédant à l’inhumation posthume de leurs dépouilles au cimetière d’El Alia, dans le carré des martyrs.
L’auteur de ces lignes qui est le compagnon de combat et de détention du colonel Mohamed Lamouri après avoir été son ami de jeunesse estime venu le temps de libérer sa mémoire par un témoignage exhaustif sur cet épisode douloureux de l’histoire de la guerre de Libération nationale. Un témoignage dédié au personnage attachant et émouvant du colonel Mohamed Lamouri qui sera publié incessamment et dont l’auteur s’acquitte comme d’un «devoir de mémoire». Il faut souhaiter que l’Association des anciens cadres du MALG, à la lecture de ce témoignage, ait à cœur, alors, de rectifier le jugement partial qu’elle porte sur l’évènement et ses acteurs.
Salah Goudjil