L'on se souvient de la catastrophe de Bhopal, en Inde, qui avait causé, en 1984, la mort de quelques 25 000 personnes, par intoxication d'un puissant gaz dégagé par ce fabricant de pesticides.
Le procès de cette affaire est revenu devant le tribunal. Et par une espèce de parodie de justice, les premiers responsables condamnés ont écopé de deux ans de prison.
Voici le papier qu'en a rapporté l'AFP et qu'a développé le journal Libération.
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Catastrophe de Bhopal: les coupables condamnés à deux ans de prison
La justice indienne a condamné lundi à deux ans de prison les anciens dirigeants locaux d’une usine de pesticides de Bhopal (centre) d’où s’était échappé en 1984 un nuage de gaz toxique, faisant plus de 25.000 morts dans le pire accident de l’histoire industrielle.
Il s’agit des premières condamnations plus de vingt-cinq ans après la catastrophe qui avait aussi fait plus de 100.000 malades.
Huit coupables, sept personnes physiques et une personne morale, Union Carbide India Limited -- filiale de l’américain Union Carbide -- ont été condamnées pour «négligence ayant provoqué la mort» par un tribunal de Bhopal.
Parmi elles, figurent Keshub Mahindra, ancien président de cette branche indienne d’Union Carbide alors propriétaire de l’usine d’où s’était échappé le gaz. Il est aujourd’hui le président du constructeur automobile Mahindra et Mahindra.
Pratiques négligentes
Six autres cadres supérieurs indiens, dont le directeur général, le directeur de production et le responsable du site, ont été condamnés à une même peine d’emprisonnement de deux ans assortie d’une amende de 100.000 roupies (2.100 dollars). Ils devraient interjeter appel.
Union Carbide India a en outre été condamnée à une amende de 10.000 dollars. L’accusation a pointé des défauts de conception dans l’usine ainsi que des pratiques négligentes dans la maintenance, connues par la direction mais ignorées pour des raisons commerciales.
L’Américain Warren Anderson, alors PDG d’Union Carbide, figurait parmi les accusés, mais il n’a pas été nommé lors du verdict après que la cour l’eut déclaré «en fuite». L’Inde demande en vain son extradition des Etats-Unis depuis 1993.
Les cadres dirigeants avaient été accusés d’homicide en 1987 mais, à l’indignation des survivants, les chefs d’accusation avaient été réduits en 1996 à celui de «négligence ayant entraîné la mort».
«Même avec ce jugement de culpabilité, que signifie deux ans de peine de prison?», s’est interrogé Sadhna Karnik, membre d’une association de victimes. «Ils vont pouvoir faire appel auprès de plus hautes juridictions».
Maladies chroniques
A l’extérieur du tribunal, certains membres d’associations de défense des droits de l’homme ont crié leur mécontentement après le verdict, le qualifiant d’«insulte» et regrettant le temps perdu pour rendre justice.
Le gouvernement estime que 3.500 personnes succombèrent les trois premiers jours suivant la tragédie mais, selon le Centre public de recherche médicale (ICMR), il y aurait en fait eu entre 8.000 et 10.000 morts parmi la population. Selon Amnesty International, 22.000 à 25.000 personnes auraient en outre succombé après des années d’exposition aux déchets toxiques laissés aux abords de l’usine.
Les statistiques du gouvernement compilées après 1994 ont établi qu’au moins 100.000 personnes vivant près de l’usine, située dans l’Etat du Madhya Pradesh, étaient victimes de maladies chroniques, plus de 30.000 d’entre elles habitant dans des zones où les nappes phréatiques ont été contaminées.
L’américain Dow Chemical, qui a racheté Union Carbide en 1999, estime que les responsabilités ont été effacées depuis l’accord de 1989 avec le gouvernement indien pour le versement de 470 millions de dollars d’indemnisations, avec abandon de poursuites pénales.
Dans un communiqué lundi, Union Carbide a déclaré que «toutes les personnes appropriées à UCIL, les cadres et ceux qui géraient l’usine au quotidien, étaient présentes pour entendre le verdict».
Selon le groupe, les responsables de la maison-mère Union Carbide n’étaient ni concernés par le procès ni soumis à la juridiction du tribunal indien.