TSA - 8.03.2012
par Rania Hamdi
Amara Benyounès, secrétaire général du Mouvement populaire algérien (MPA) face à Abderrazak Mokri, vice‑président du MSP. Pour sa nouvelle émission politique hebdomadaire instituée "convaincre par les mots", la Chaîne III de la Radio nationale a choisi une confrontation entre un démocrate et un islamiste.
Deux heures durant (de 15 h à 17 h), les deux hommes politiques, dont les formations respectives se mettent en lice pour les législatives du 10 mai prochain, ont à peine parlé de leurs programmes électoraux ou des projets politiques et de sociétés dont ils sont porteurs, préférant se lancer dans une polémique sur l’islamisme et la sémantique à donner aux années de violence vécues par le pays après l’arrêt du processus électoral en 1991 et la détermination du FIS dissous à s’emparer du pouvoir par la force des armes.
Le cadre du MSP a qualifié ces événements de « dérapages », tandis que son vis‑à‑vis n’y a vu que du « terrorisme », nourri par l’intégrisme religieux. Abderrazek Mokri, dans une tentative de déprécier les démocrates, les a associés de facto à des partisans de la laïcité. Amara Benyounès a réagi rapidement à cette déclaration, en taclant son adversaire sur le nom attribué au pacte conclu entre le MSP, le mouvement Ennahda et le mouvement El Islah, l’alliance "L’Algérie verte", en l’occurrence. « Je ne savais pas que les islamistes étaient devenus des écolos », a‑t‑il ironisé. Plus sérieusement, il a affirmé qu’il ne convient pas de trop miser dans le domaine politique, en Algérie, sur la religion, car « tous les Algériens sont des musulmans sunnites. Il n’existe pas de clivages à ce niveau‑là ».
Évidemment, il n’a pas manqué de reprocher au MSP d’être « un demi‑pensionnaire du pouvoir », dans la mesure où il garde un pied dans le gouvernement et met l’autre dans l’opposition, de même qu’il l’a épinglé sur sa promptitude à passer d’une alliance avec le FLN et le RND à une autre avec deux partis islamistes, en quelques semaines. « Ils sont tous Algériens », lui ra répondu Abderrazak Mokri, avant de lui rappeler son propre passage au gouvernement sous la bannière du RCD.
Les deux hommes se sont opposés, en outre, sur la conduite des réformes, l’orientation à donner à la prochaine révision constitutionnelle et, bien entendu, sur l’issue des législatives. M. Mokri, exalté par le succès des islamistes en Tunisie, en Égypte et au Maroc, et depuis quelques années déjà en Turquie, voit déjà "L’Algérie verte" aux commandes de la future APN. Amara Benyounès estime que les démocrates républicains feront barrage à la victoire des islamistes. « Vous n’accepterez pas la décision des urnes ? », a interrogé le vice‑président du MSP. « Les prochaines élections sont importantes mais dangereuses. Il faut voter pour empêcher les islamistes de gagner », s’est limité à répondre le patron du MPA. Il a regretté, au passage, l’incapacité des partis de la mouvance démocratique à constituer une force politique commune. « Nous n’avons jamais réussi à prendre ne serait‑ce qu’un thé ensemble », a‑t‑il confié.
Quand on leur a donné la parole, les personnes invitées sur le plateau pour suivre le débat ont fait des commentaires assez édifiants. M. Habib Younsi, président de la CGOA, a regretté que l’on ait peu parlé du programme économique. Un jeune de 27 ans a affirmé avoir trouvé le débat totalement ennuyeux et aux antipodes des aspirations des jeunes : « J’ai fait un mini sondage dans mon entourage sur les intentions de vote. Je vous assure que les préoccupations sont différentes ». Un lycéen de 19 ans a déclaré tout de go : « vous me faites peur ».