Ahmadinedjad se sent pousser des ailes

Présumant sans doute un peu trop de ses forces, Ahmadinedjad vient de mettre en garde quiconque, de par le monde, nourrirait quelque velléité d'attaquer son pays.

Dans un discours prononcé à l'occasion d'un défilé militaire, le président iranien a déclaré expressément : "Aucune puissance n'osera développer dans son esprit l'idée d'agresser l'Iran. Nos forces armées couperont n'importe où dans le monde la main de quiconque voudra tirer une balle en direction de l'Iran avant même qu'il appuie sur la gâchette".

L'allusion est claire : Israël n'a donc qu'à bien se tenir. Les menaces de destruction des sites nucléaires iraniens qu'il arbore depuis maintenant quelques années déjà restent apparemment de nul effet sur l'orateur.

D'ailleurs, au défilé, des missiles Shahab-3 et Sejil d'une portée estimée à 2000 km ont constitué, avec le vol d'avions de combat de fabrication aussi iranienne, le principal pôle d'attraction des délégations étrangères invitées.

Quand au programme nucléaire, Téhéran reste vraiment déterminé à le poursuivre, puisqu'il annonce la construction et la mise en fonctionnement d'une nouvelle génération de centrifugeuses. "Nos scientifiques ont fabriqué une nouvelle génération de centrifugeuses et des cascades de 10 centrifugeuses chacune sont actuellement à l'essai", a indiqué Ali Akhbar Salhi, le chef de l'OIEA (Organisation iranienne de l'énergie atomique (OIEA).

Une telle assurance permet d'ailleurs au principal négociateur iranien du nucléaire, Saïd Jallili de déclarer, à propos des autres menaces brandies par le groupe des 6 du Conseil de sécurité, que son pays : "entrait dans les négociations avec puissance, logique et initiative".

Avec la confirmation, hier, par les autorités iraniennes de l'existence d'un second site de traitement de l'uranium à Qom, à côté de la capitale, les grandes puissances principalement occidentales ressortent leurs menaces.

Obama brandit la sienne en l'assortissant de la possibilité d'user de la force pour contraindre l'Iran à cesser l'enrichissement de son uranium. Sarkozy se dit même indigné que l'Iran ait à ce point méprisé la communauté internationale en ouvrant ce nouveau site, tandis que l'on attendait la fermeture de l'ancien. Brown, du Royaume Uni, n'est pas en reste, qui reprend quasiment les mêmes intonations.

Ahmadinedjad ne se départit pas pour autant de son flegme habituel pour revendiquer le droit pour son pays de poursuivre ses activités nucléaires à des fins exclusivement civiles. Il annonce même pour demain la reprise de tirs de missiles des gardiens de la révolution, pour améliorer les performances de l'artillerie.

Dans ce tohu-bohu, Israël n'éprouve aucune gêne d'ajouter sa touche de menaces et ses injonctions péremptoires. Il déclare à grand cri qu'il veut être définitivement fixé sur les dispositions de l'Iran à se soumettre au contrôle de l'AIEA. Bien sûr, il fait peu de cas, comme d'habitude, de son mépris de cette même communauté internationale, auprès de laquelle il n'a jamais jugé de son devoir d'ouvrir ses propres installations nucléaires au contrôle du gendarme mis en place, l'AIEA. Mais, placé là comme autre gendarme au service des intérêts américains, et plus précisément du sionisme international, il se sent en charge de contrôler son entourage et de lui imposer son diktat.

Cette fois, le bras de fer entre les six grandes puissances du Conseil de sécurité et l'Iran risque de se traduire par de fâcheuses conclusions.

Après avoir tergiversé à donner sa réponse quant au transfert vers la Russie d'abord puis vers la France de son uranium en vue de son enrichissement et de son traitement aux fins d'une exploitation exclusivement civile, Téhéran fait état aujourd'hui de sa décision finale. "L'Iran va continuer à exercer son droit à l'usage pacifique de l'énergie nucléaire, y compris l'enrichissement" d'uranium, a déclaré Ali Soltianeh à l'agence iranienne Fars.

Cette prise de position inattendue, survenant au lendemain de la mise en garde adressée à ce pays par Medvedev et Obama, risque de provoquer la colère des grandes puissances qui s'estiment en droit d'imposer leur seul point de vue à Téhéran.

Aussi, les jours prochains risquent d'être très chauds pour Ahmadinedjad et son équipe, résolument convaincus de leur droit à poursuivre l'enrichissement de l'uranium.

Par 15 voix sur 25, le Conseil de sécurité vient d'adopter une nouvelle résolution condamnant l'Iran pour avoir caché l'existence d'un second site où il traite l'uranium.

Initiée par Paris et Washington, la résolution charge sévèrement Téhéran en le menaçant de sanctions inédites comme la mise en place d'un blocus fermant le passage à ses exportations d'hydrocarbures. Cette fois, c'est donc au porte-monnaie que l'on cherche à l'atteindre de façon imparable en tarissant la source principale de ses revenus.

Il faut dire là que le régime des mollahs, qui a longtemps cru, au fil du temps, pouvoir amadouer les grandes puissances, et particulièrement ses ennemis les plus dangereux, les USA, la France et Israël, se trompait en fait, tout simplement d'époque. S'il avait réussi sans coup férir à tenir en otages des dizaines d'Américains en 1980 ou 1981, suite aux dérives de leur gouvernement sous le régime du shah de triste mémoire, aujourd'hui le problème posé est d'une autre nature, d'une autre dimension et de conséquences extrêmement gravissimes. La bombe est une arme de destruction massive exceptionnelle qui n'a pas encore son équivalent aujourd'hui. Et c'est la raison pour laquelle le monde se doit impérativement d'en interdire sérieusement la fabrication et la circulation, s'il veut préserver la paix sur la planète.

D'un autre côté, le délai de grâce accordé jusqu'ici à l'Iran pour produire sa bombe à l'abri des regards arrive à sa fin. Le pays se sait pourtant surveillé de près, depuis au moins trois ans. Mais il continue de tergiverser toujours pour échapper aux contrôles de l'AIEA (le gendarme nucléaire); il s'appesantit même trop lourdement dans ses recherches qui, en fin de compte, ne semblent guère aboutir. Il est donc grand temps qu'il abandonne son bras-de-fer périlleux et inutile avec le Conseil de sécurité, d'autant que le temps joue contre lui et qu'un consensus se trouve désormais réuni pour l'empêcher, au besoin par la force, de poursuivre son activité à la fois dangereuse et interdite.